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Congrès des notaires : les propositions du congrès des notaires et les recommandations techniques

17/10/2022

Photo congrèsLe 118e congrès des notaires s’est achevé vendredi 14 octobre 2022 avec le brillant rapport de synthèse de Charles Gijsbers et la présentation de l’équipe du prochain congrès des notaires qui se tiendra à Deauville les 27, 28 et 29 septembre 2023 sur le thème du logement et sous la présidence d’Yves Delecraz.

Cette édition 2022 a tenu toutes ses promesses. L’ensemble des propositions ont été adoptées.

On en retiendra six au titre de celles qui intéressent les praticiens du droit de la famille. On y ajoutera une série de recommandations techniques qui n’ont pas été présentées en séance plénière mais que l’équipe du 118e congrès a souhaité néanmoins faire connaître.

 

Les six propositions présentées en séance plénière

Pour une harmonisation du régime juridique des « droits sociaux » non côtés

 

Un époux marié sous le régime de la communauté de bien réduite aux acquêts (régime légal en France) peut employer librement les fonds communs à l’effet notamment :

  • d’acquérir un bien immobilier,
  • d’acquérir un fonds de commerce,
  • de souscrire un contrat d’assurance vie investi notamment en actions,
  • d’investir dans tout produit financier.

Mais, il ne peut en aucun cas souscrire seul au capital social d’une société non cotée (SARL ou société civile) À l’inverse il peut investir librement dans toute société anonyme ou SAS de son choix !
Cette incohérence entraîne les époux ou leurs conseils à faire des choix contestables quant à la forme juridique de la société lors de sa constitution.
Une autre conséquence est la différence de traitement lors de la constitution, la donation mais aussi la cession des titres d’une société non cotée, les règles applicables n’étant pas les mêmes selon le régime matrimonial adopté.
Il convient désormais de considérer les titres d’une société non cotée (parts sociales de société civile, de société à responsabilité limitée) comme un actif lambda, et de supprimer toute distinction entre droits sociaux négociables (action de société anonyme, de SAS) et droits sociaux non négociables.
Les raisons qui avaient motivé la création de cette distinction ont aujourd’hui disparu et il devient nécessaire de permettre à l’ingénierie notariale de s’exprimer pleinement afin de conseiller les époux de façon pertinente.

Le118e congrès des notaires de France propose :                                       adoptée à 96 %

1)         Une abrogation de l’article 1832 2 du Code civil en contrepartie :

  • De la possibilité pour des époux communs en biens de transférer à tout moment la qualité d’associé entre eux dans le respect du pacte statutaire
  • De l’extension de l’article 1424 du Code civil à tous les titres de société non côtés

2)         Une reconnaissance expresse de la distinction entre le titre et la finance pour tous les titres de société non admis sur un marché réglementé de cotation, quelle que soit leur nature (droits sociaux négociables et droits sociaux non négociables).

 

NB – Voici le tableau de synthèse en matière de cession des titres diffusé lors de la présentation de la proposition.

 

Synthèse Cession de parts sociales Cession d’actions
Durant le régime de communauté Nécessité d’avoir le consentement du conjoint Pas de nécessité d’avoir le consentement du conjoint
Pendant la période de l’indivision post-communautaire Pas de nécessité d’avoir le consentement de l’ex-conjoint Nécessité d’avoir le consentement de l’ex-conjoint

 

Pour rappel, l’AJ famille avait publié en 2020 un dossier sur le divorce du chef d’entreprise (AJ fam. avril 2020. 205 (PDF)).

 

La création d’un nouveau régime d’information pour les futurs époux : le certificat prénuptial

 

Chaque couple marié se voit appliquer le régime matrimonial légal, s’il n’a pas effectué un autre choix (article 1387 du Code civil).
Ces dispositions sont d’origine légale, mais pour autant, restent méconnues. En réalité, les époux ne connaissent que très peu leur régime matrimonial et cette ignorance est souvent la cause du désaccord qui peut survenir au cours d’un divorce. Elle peut s’expliquer :

  • Par la complexité grandissante du régime légal, dont une partie des règles trouve aujourd’hui sa source dans l’abondante jurisprudence;
  •  mais au-delà de ces règles jurisprudentielles, nous constatons que même les règles de base du fonctionnement du régime légal sont peu maîtrisées.

Les époux vivent sans se soucier des biens, des revenus, de leur sort, et décident, par un silence implicite, de régler les comptes après leur vie commune. Et c’est quand les comptes sont effectués, que les époux découvrent rétrospectivement que ce régime matrimonial les a accompagnés toute leur vie.
La communauté ne doit plus se révéler au divorce mais bien au début de l’union ! Il en est de même des régimes conventionnels.
Des solutions pour y remédier ont été avancées mais aucune n’a été retenue jusqu’à présent.
Nous pensons qu’une information personnalisée, vivante, concrète, mais aussi plus juridique sera la voie explorée dans les années à venir… à n’en pas douter ! C’est déjà la voie prise par la Cour de cassation qui évoque la nécessité d’une information concrète et circonstanciée.

Le 118e congrès des notaires de France propose :                                   adoptée à 63 %

De rendre obligatoire une information juridique prénuptiale, délivrée par un notaire.
Pour ce faire, il y a lieu de rajouter quatre nouveaux alinéas à l’article 1387 du Code civil, qui seraient désormais ainsi rédigés :
Article 1387 du Code civil :
« La loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent.
Un notaire reçoit simultanément les futurs époux et les informe sur le contenu des différents régimes matrimoniaux français.
Cette information est obligatoire et non rémunérée. Elle a lieu dans l’année précédant le mariage.
Pour les mariages célébrés à l’étranger, lorsque la loi applicable au régime est la loi française par choix des époux, ce certificat pourra être établi à distance par un notaire français. »

Il y aura, également, lieu d’ajouter un tiret à l’article 63 alinéa 2, 1° du Code civil, qui contient l’énumération des pièces à remettre à l’officier d’état civil, en vue de la publication des bans, et qui serait désormais, ainsi rédigé :

« […]
un certificat établi par un notaire, attestant, à l’exclusion de toute autre indication, que les intéressés ont été reçus dans le cadre de l’information obligatoire prévue au second alinéa de l’article 1387 du présent code ;
2° […] »

NB – Si cette proposition a été votée à 63 % par les notaires, l’un d’eux a toutefois objecté qu’il s’agirait là d’une nouvelle contrainte imposée aux époux, telle celle du contrôle technique. Il ne croit pas à l’efficacité d’un conseil s’il est imposé pour la délivrance du certificat.

Ce passage initial devant notaire serait également l’occasion pour les notaires de rappeler aux époux qu’ils doivent revenir devant eux en cas d’évolution de leur situation aux fins d’éviter d’éventuels contentieux lors de la séparation.

 

Sécuriser la détermination de la prestation compensatoire

Si le mariage permet juridiquement d’assurer aux époux la compensation d’une éventuelle distorsion de revenus, sa rupture peut entraîner pour l’un d’eux des difficultés économiques.
Or, après un divorce financièrement douloureux, qui aura été source de conflit et de contentieux, les français, en famille recomposées (9% des familles françaises et représentant quelques 800.000 couples en 2021) rechignent à se remarier. Quelles en sont les raisons ?
L’une d’entre elles réside dans la fixation du montant de la prestation compensatoire qui reste, à ce jour, une source d’aléa pour les époux, ce qui ne favorise pas la promotion du mariage et surtout du remariage d’un débiteur trop lourdement pénalisé lors d’un premier divorce.
Ces couples restent en union libre ou se pacsent et se privent, parallèlement, de pouvoir acquérir en toute quiétude un patrimoine, notamment immobilier, et d’envisager une protection adaptée en cas de décès. Ces situations sont sources de conflit et de contentieux.
Les constats déjà relevés en 2014 lors du Congrès des notaires de France sont aujourd’hui les mêmes et nous sommes bien embarrassés devant le concitoyen qui s’interroge sur le montant de la prestation qu’il peut espérer obtenir ou au contraire qu’il risque d’avoir à verser.
Que lui répondre ? Que cela dépend du tribunal, que cela dépend du juge voire même de l’avocat qu’il va choisir ? Qu’est ce qui peut paraître plus difficile à accepter pour les parties ? Une condamnation à verser ou à recevoir une prestation compensatoire trop élevée ou insuffisante selon qu’on est débiteur ou créancier ou le constat qu’à données équivalentes, le traitement judiciaire a été différent d’un citoyen à l’autre ?
L’aléa juridique et économique n’est pas acceptable dans une société moderne où on doit privilégier la sécurité juridique, l’équité et la paix des familles. Il faut donc en 2022 faire évoluer la prestation compensatoire.

Le 118e congrès des notaires de France propose :         (adoptée à 94,7 %)

Que faute d’accord des parties sur le montant de la prestation compensatoire, le juge, saisi d’une demande en divorce, ne se prononce sur le divorce et l’octroi d’une prestation compensatoire que si la liquidation du régime matrimonial est jointe à la requête en divorce.
Les textes devant être modifiés sont :

Article 272 du Code civil :
Ancienne rédaction :
« Dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. »
Nouvelle rédaction :
« Dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire par le juge ou par les parties, celles-ci fournissent au juge :

  •   une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
  • l’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.

A défaut d’un accord des parties sur la liquidation de leur régime matrimonial, le juge, conformément à l’article 255-10 c. civ., désignera un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation.
Dans le cadre d’une demande de révision de la prestation compensatoire, seule la déclaration sur l’honneur est fournie au juge.».

Article 1075-1 du Code de procédure civile :
Ancienne rédaction :

« Lorsqu’une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l’honneur mentionnée à l’article 272 du code civil. »
Nouvelle rédaction :
« Lorsqu’une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, les époux doivent produire, conformément aux mentions de l’article 272 du code civil :

  • la déclaration sur l’honneur,
  • l’état liquidatif du régime matrimonial ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ».

 

NB – Les président et rapporteurs de la troisième commission, Sébastien Collet, Marjorie Grand et Marion Girard-Cabouat ont critiqué la récente décision de la Cour de cassation du 21 septembre 2022 (n° 21-12.344) qui refuse de censurer les juges du fond qui ont retenu à bon droit que, la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n’y avait pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à l’épouse pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux (V. déjà Civ. 1re, 1er juill. 2009, n° 08-18.486 ; Civ. 1re, 22 mars 2017, n° 16-14.332, AJ fam. 2017. 298, obs. A. de Guillenchmidt-Guignot). De leur point de vue, au contraire il doit être impérativement tenu compte de la liquidation du régime matrimonial. L’attribution de la moitié de la communauté à un conjoint qui a sacrifié sa vie professionnelle n’est-il pas de nature à rétablir l’équilibre ? La répartition des biens telle que voulue lors du mariage ne serait-elle pas suffisante ? Nous n’en sommes pas convaincue, dès lors que ce qui a été voulu au moment du mariage lors du choix du régime matrimonial peut avoir évolué pendant les années de mariage sans pour autant que le notaire ait été saisi d’une demande de changement de régime par exemple. Précisément, nous a-t-il été répondu, les couples doivent être encouragés à revenir devant le notaire ; ce qui est aussi le sens de la proposition précédente imposant un conseil prénuptial.

 

Vers une contractualisation de la contribution des époux aux charges du mariage

Les époux sont actuellement concernés par une évolution jurisprudentielle récente sur la contribution aux dépenses de la vie courante.
En pratique, cette évolution jurisprudentielle est fâcheuse, l’époux trop généreux ne pouvant obtenir le remboursement de son surfinancement. La créance entre les époux ne sera alors pas admise. L’insécurité juridique est alors évidente surtout au regard du désarroi de cet époux qui découvrira ces règles uniquement le jour de son divorce.
Le notaire, en qualité de rédacteur du contrat, et le législateur, en qualité de rédacteur de la loi, peuvent mettre fin à cette insécurité juridique.
De cette jurisprudence bien établie, il convient d’inviter le législateur à envisager une modification du Code civil afin de permettre à chaque notaire d’anticiper, conseiller et pacifier la contribution aux charges du mariage :

  • Parce que les modalités de contribution aux charges du mariage, bien que relevant du régime primaire, sont supplétives de volonté ;
  • Parce que la jurisprudence ne s’est, à ce jour, pas prononcée sur la possibilité de déterminer, conventionnellement, les dépenses qui seraient celles de la contribution aux charges du mariage et celles qui ne seraient pas concernées ;
  • Parce que les époux sont les mieux à même d’en fixer les contours ;
  • Parce que l’ingénierie notariale au service des régimes matrimoniaux tend vers une convention renforcée.

 

Le 118e congrès des notaires de France propose :                           (adoptée à 91,2 %)

De permettre la contractualisation du périmètre des charges du mariage.
Pour ce faire, il y a lieu de rajouter un nouvel alinéa à l’article 214 du Code civil comme suit :

« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Les époux peuvent, dans leur convention matrimoniale, définir les dépenses qui relèvent ou non des charges du mariage.
Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

NB : il s’agit de contrecarrer la construction prétorienne. Ce qui nécessite l’intervention législative pour sécuriser les clauses adoptées. Le professeur Dubarry a, toutefois, fait remarquer que la jurisprudence encourageait à faire du sur-mesure et qu’il n’y avait pas besoin d’intervention législative.

 

Pour une vocation successorale de souche

 

Pour une transmission successorale concertée au sein des familles

Le vieillissement de la population conduit à ce que les héritiers soient désormais d’un âge avancé, quand ils sont amenés à recevoir un héritage provenant de leurs parents.
Dans le même temps, notre pays a une population plus jeune qui ne dispose pas des ressources ou du pouvoir d’achat pour faire face à ses projets : acquisition immobilière, projet d’entreprise, …
Le constat est simple, et c’est un enjeu de société : les jeunes générations souffrent d’un manque de pouvoir d’achat, qui leur permettrait d’acheter, d’investir, de créer,… alors que les personnes, qui sont en fin de carrière professionnelle, épargnent de plus en plus (car ils voient leurs charges diminuer, et leur pouvoir d’achat augmenter).
Au demeurant, le niveau élevé d’épargne est un souci majeur pour l’économie : « cela freine la consommation et la demande adressée aux entreprises ».
Ainsi, si les Français décidaient de dépenser 20 % du surcroît d’épargne accumulé pendant la crise de la Covid, la croissance du PIB en 2022 serait supérieure de 1,7 points, selon les économistes de l’OFCE. Il existe, à l’évidence, un décalage entre les besoins de chaque génération, les besoins de l’économie et le moment où désormais on hérite de ses parents.
Faut-il faire circuler le patrimoine plus rapidement, d’une manière ou d’une autre vers les générations cadettes qui en ont le plus besoin ? »
La question est posée. Et la réponse ne peut être que positive.
Aussi, pour ces familles qui n’y ont pas pensé, ou qui n’ont pas osé consulter un notaire, ou pour ces donateurs potentiels qui ne souhaitent pas tout transmettre de leur vivant, il convient d’apporter des solutions.
Il faut permettre aux héritiers de 1er degré, qui le souhaitent, de transmettre plus aisément à leurs propres enfants, ce patrimoine hérité, en organisant des sauts de génération ou des transferts entre souches… ainsi la dernière génération pourra bénéficier par anticipation du patrimoine familial, comme lors d’une transmission transgénérationnelle.
Serait-il possible d’envisager un mécanisme semblable à celui des donation partage transgénérationnelle aux successions ? En d’autres termes, est-il possible d’inciter à un saut de génération ou à un transfert inter-souche après l’ouverture de la succession ?
Nous pensons que oui, en aménageant les règles de dévolution successorale et d’acceptation successorale, aussi, nous proposons la création d’une véritable vocation successorale de souche.

Le 118e congrès des notaires de France propose :                                   (adoptée à 95,3 %)

I/ de reconnaître à l’héritier au premier degré, la faculté de décider seul de la quotité qu’il entend retenir dans la succession dont il est saisi.
Il peut exercer cette faculté au bénéfice de sa propre souche, le surplus profitant alors aux héritiers de deuxième degré (transmission intra souche).
S’il n’a pas de descendant, il peut exercer cette faculté au profit des autres souches, le surplus profitant alors aux héritiers de premier degré de ces autres souches (transmission inter souche).
L’acceptation des héritiers concernés devra intervenir au sein d’un seul et même acte.
Cette divisibilité de l’option ne peut s’exercer que dans la ligne descendante, et dans la ligne des collatéraux privilégiés.
Elle s’accompagne en outre, d’une neutralité fiscale.

II/ d’affirmer la place de la souche dans le droit successoral, en retenant désormais le principe selon lequel une succession est dévolue par souche.
Dès lors, la représentation successorale devient sans objet.

NB – Le professeur Grimaldi a appelé au vote de cette proposition.

 

Pour un essor de la fiducie

 

L’introduction de la fiducie* en droit français est intervenue aux termes de la loi n°2007-211 du 19 février 2007 (JO 21 février 2007) et a contribué à renforcer la compétitivité du droit continental à l’international face au trust anglo-saxon, bien que la loi n’y fasse aucune référence.
Pour autant, les limites posées par la loi de 2007 ne favorisent pas son essor. Les chiffres ci-contre sont éloquents.
Quelles sont les raisons de cet insuccès ?

  • La prohibition, à ce jour, de la fiducie transmission, autrement dénommée fiducie libéralité, alors qu’il s’agit là, d’un très bel outil permettant, notamment, de sauvegarder et de valoriser un patrimoine et de protéger la personne vulnérable.
  • L’extinction du contrat de la fiducie en cas de décès de son constituant (à l’exception de la fiducie sûreté).
  • Le faible nombre d’acteurs pouvant revendiquer la qualité de fiduciaire et par voie de conséquence, un coût de mise en place encore trop souvent exorbitant pour le constituant.

La fiducie mérite d’être assouplie et promue. Le recours à cette technique contractuelle peut se révéler essentiel dans de multiples domaines et pans de notre économie, et notamment :

  • au service de la gestion des sites et sols pollués,
  • au service de la compensation environnementale,
  • comme un moyen de maintenir, de développer l’entreprise et d’orchestrer les prises de participation,
  • au service de la fiducie-sûreté et le financement de projets,
  • au service de la protection des personnes vulnérables.

Le Professeur GRIMALDI, commentant le projet de loi de 2007, avait précisé, au sujet de la fiducie libéralité, « qu’elle n’ébranlerait pas les principes d’ordre public du droit des successions et des libéralités ».
C’est aussi sur cette piste de réflexion que s’est engagée l’équipe du 118e Congrès des notaires de France.

 

Le 118e congrès des notaires de France propose :  (adoptée à 85,9 %)

1°) De modifier l’article 2012 du Code civil comme suit : « La fiducie est établie par la loi, par contrat ou par testament authentique. Elle doit être expresse. »,
D’abroger l’article 2013 du Code civil qui prohibe, à ce jour, la fiducie motivée par une intention libérale, ainsi que le régime fiscal d’exception qui la sanctionne lourdement,
De modifier le premier alinéa de l’article 2029 du Code civil de telle sorte que le décès du constituant personne physique ne mette pas fin au contrat de fiducie,
D’abroger le second alinéa de l’article 2030 du Code civil qui prévoit le retour du patrimoine fiduciaire à la succession du constituant à son décès,
Le tout, afin de permettre le recours à la fiducie libéralité entre vifs et par voie testamentaire pour autant qu’elle ait été constituée par acte notarié à peine de nullité.

2°) De modifier l’article 2015 du Code civil en élargissant le corpus de fiduciaires aux notaires et lorsque le but déterminé est à caractère environnemental, aux personnes énoncées à l’article L. 132-3 du Code de l’environnement, pouvant être créancières dans le cadre d’une obligation réelle environnementale.

 

NB – Il s’agit d’une proposition commune aux trois commissions.

 

Les recommandations techniques

 

Société – Pour la préservation des intérêts patrimoniaux des mandataires sociaux

Exposé des problématiques rencontrées :

Alors que l’entrepreneur individuel a un statut de plus en plus protecteur, à contrario, le mandataire social voit de plus en plus souvent sa responsabilité civile engagée pour des actes pris dans l’exercice de ses fonctions.
Cette responsabilité peut être engagée par la société elle-même ou bien par des tiers.
Face à cela, le mandataire social n’a aucune protection possible pour mettre à l’abri son patrimoine personnel.

Recommandation

Afin de préserver les intérêts patrimoniaux des mandataires sociaux, le 118e Congrès des notaires de France recommande d’étendre le régime juridique de l’insaisissabilité de la résidence principale à tous les mandataires sociaux.

 

Famille – Pour la modification du formalisme prévue en matière de RAAR

Exposé des problématiques rencontrées :

La renonciation anticipée à l’action en réduction (ci-après « R.A.A.R. »), instaurée par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, permet, avant l’ouverture d’une succession, de renoncer par anticipation à son action pour atteinte à sa réserve au profit de personnes identifiées, dans le cadre d’une libéralité consentie par son auteur à un tiers. Cette nouvelle dérogation à la prohibition des pactes sur succession future est codifiée à l’article 929 du Code civil. Il s’agit pour un héritier réservataire lors d’une libéralité, de renoncer dès à présent, à agir des années plus tard, dans un contexte familial qui aura pu évoluer entre temps, en réduction contre ladite libéralité qui pourrait porter atteinte à sa réserve.
Le fait d’abdiquer des droits par anticipation, mais également le fait qu’il s’agit d’un coup porté à la protection absolue et impérieuse de la réserve héréditaire ont imposé un formalisme spécifique prévu à l’article 930 du Code civil :

  • Exigence d’un « acte authentique spécifique » : la renonciation à l’action en réduction ne peut être constatée dans un acte qui contiendrait d’autres dispositions ou conventions.
  • Exigence d’un acte « reçu par deux notaires » : le renonçant devra être assisté par un notaire différent de celui du de cujus, désigné par le Président de la Chambre des Notaires.

Après 15 années de mise en œuvre, il est temps de dresser un premier bilan, et de s’interroger sur la pertinence de ce formalisme. Il n’est pas question de minimiser l’importance de cet acte, qui reste une véritable atteinte à la réserve héréditaire. Cet acte doit donc converser une solennité et un formalisme spécifique. Il ne s’agit pas de laisser penser que la RAAR est un acte anodin !
Mais pour autant, il ne faut pas non plus qu’un formalisme lourd et fastidieux puisse laisser penser, à tort, aux clients qu’ils sont protégés de tout, et informés de tout ! Concernant le premier critère (un acte spécifique autonome), nous pensons que celui-ci doit être laissé intact. Concernant le second critère (exigence de deux notaires), nous nous interrogeons sur sa pertinence, et sa motivation.
Son origine est un amendement sénatorial qui visait à « préciser que la personne renonçant de manière anticipée à exercer l’action en réduction devra être assistée par un notaire différent de celui du de cujus afin de lui garantir un conseil véritablement objectif et d’éviter toute suspicion ». Lors de ces travaux parlementaires, était-il réellement question de l’impartialité des notaires, officier public ? Les sénateurs craignaient-ils vraiment qu’un officier public puisse être gouverné par des intérêts qui lui seraient personnels (comme la signature d’un acte qu’il a conseillé), au détriment de son devoir d’information, au détriment d’une obligation mise à sa charge par la loi ? Nous ne l’espérons sincèrement pas. Le notaire, juriste du contrat, est parfaitement à même de conseiller de manière neutre et efficace des parties dont les intérêts sont pourtant opposés. C’est, d’ailleurs, le cas pour la majorité, voire de la totalité, des actes qu’il reçoit.
En outre, il est important de rappeler que la RAAR n’est qu’une garantie supplémentaire à l’efficacité d’une libéralité, dont on peut penser qu’elle sera, peut-être, excessive et porter atteinte à la réserve d’un ou de plusieurs héritiers.
Mais, si un présomptif héritier refuse de consentir à une RAAR, l’acte de donation pourra quand même être reçu par le notaire, comme tous autres actes de donation, pour lesquels on ne s’interroge pas systématiquement sur leur risque de porter atteinte à la réserve. Aussi, en informant le donateur et le donataire, l’acte de donation pourra être reçu, quand bien même les présomptifs héritiers refuseraient de consentir à une RAAR.

Recommandation :

Aussi, le 118e Congrès des notaires de France suggère que le formalisme du recours à deux notaires soit supprimé. Si cette formalité pouvait être vue comme un gage de sécurité, à un moment où un nouveau pacte sur succession future était créé, il apparait, 15 années plus tard, inopportun de le conserver.
Le notaire en charge de régulariser une donation, dont il pense qu’elle devra s’accompagner d’une RAAR pour une meilleure efficacité, est parfaitement apte à fournir seul une explication claire, efficace, et complète à celui qui envisage de renoncer à agir, sans qu’il ne soit nécessaire d’être assisté par un confrère.
Enfin, le 118e Congrès des notaires de France suggère, également, que puisse être revue la condition de gratuité de la renonciation, afin de l’adapter à la réalité des dossiers. L’absence de contrepartie pour le renonçant. En effet, il ressort régulièrement de nos dossiers que la RAAR n’a pas vraiment été consentie sans contrepartie, et que le renonçant tire un autre avantage. C’est finalement le consensus familial qui est en œuvre.
Parce que cette pratique existe, et qu’il y a un intérêt à la sécuriser, il devrait être possible de prévoir la contrepartie de la RAAR dans l’acte lui-même, en stipulant une exception au principe d’absence de contrepartie.

 

Mariage – Pour la création d’un statut de l’avantage matrimonial

Exposé des problématiques rencontrées :
Alors que la convention matrimoniale est un espace de liberté absolue pour les époux et qu’elle est sans doute le plus bel outil de protection du conjoint, une ombre pèse sur l’un de ses principaux rouages : l’avantage matrimonial. Un avantage matrimonial est constitué par l’enrichissement que le seul fonctionnement du régime matrimonial procure à un époux par rapport à son conjoint (V. J. Carbonnier, Le régime matrimonial. Sa nature juridique sous le rapport des notions de société et d’association : Thèse Bordeaux, 1932, p. 665).
Avec la réforme du divorce, la question des conventions entre époux prenant effet à terme a donné lieu à une nouvelle règle de révocation de plein droit, prévue à l’alinéa 2 de l’article 265 du Code civil :
« Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis.
Cette volonté est constatée dans la convention signée par les époux et contresignée par les avocats ou par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocable l’avantage ou la disposition maintenu. »
Il n’est plus nécessaire de faire état en détails, des dernières jurisprudences de la Cour de Cassation, qui ont pu ébranler la pratique des notaires quant au sort des avantages matrimoniaux en cas de divorce.
Rappelons seulement que la Cour de Cassation, le 18 décembre 2019 a employé volontairement ou maladroitement, dans son attendu, la terminologie suivante : « exprimé au moment du divorce » (« ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce »), au lieu de l’expression consacrée par l’alinéa 2 de l’article 265 du Code civil, savoir : « constaté dans la convention de divorce ».
Cet attendu a laissé penser que la convention de divorce devait contenir, non pas le simple constat d’une expression déjà exprimée, mais l’expression, elle-même, de la volonté des époux, quant à l’irrévocabilité d’un avantage.
Or, jusqu’à cette décision, il était entendu pour la majorité des auteurs que cette irrévocabilité pouvait être exprimée dans le contrat de mariage, lui-même, puis seulement constatée dans la convention de divorce.
Il ne faut pas s’y tromper. Bien que dans cette affaire le régime matrimonial était celui de la participation aux acquêts, la solution retenue par la Cour de Cassation est parfaitement transposable à un régime communautaire.
Aujourd’hui, la question posée par quelques auteurs est de savoir si un inventaire complet des contrats de mariage doit être envisagée pour modifier le cas échéant lesdites conventions quant aux effets des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime.
L’une des solutions pour remédier à l’insécurité juridique résultant de cette jurisprudence, et aux questions animant la doctrine et les praticiens depuis, consisterait seulement à rappeler que les époux peuvent déroger à la révocation de plein droit de l’avantage matrimonial, dans la convention matrimoniale le créant. Il s’agirait simplement de repréciser le sens du terme « constatée » employé dans l’article 2.

Recommandation :

De ceci et dans le prolongement de la réponse ministérielle (Rép. min. Just.: JO Sénat du 28/05/2020 – page 2446 : « Le ministère de la justice serait favorable à une clarification de ce texte dans le but de favoriser la prévisibilité juridique et de renforcer le principe de liberté des conventions matrimoniales. ») de 2020, le 118e Congrès des notaires propose que les termes de l’alinéa 2 de l’article 265 du Code civil soient clarifiés, dans un délai court.
Mais une autre voie pourrait être envisagée sur le long terme.
Un avantage matrimonial n’est pas une disposition à cause de mort. Il s’agit de deux régimes de nature juridique bien différente : d’un côté on régit les rapports pécuniaires des époux entre eux durant le mariage, et de l’autre il y a une intention libérale.
Aussi, leur réserver un traitement similaire (révocabilité automatique) lors du divorce est intrigant.
Que le divorce emporte révocation de plein droit d’une libéralité prenant effet à terme, cela se conçoit.
Le lien d’amour ayant fondé l’intention libérale disparaît généralement avec le divorce, et la générosité s’éteint dans la plupart des cas à ce moment-là. Afin d’éviter que des donations à terme prennent effet plusieurs décennies plus tard, seulement parce que l’époux a omis de la révoquer nécessitait, en effet, une révocation de plein droit.
En revanche, l’avantage matrimonial n’est pas empreint d’intention libérale. Ce qui a motivé l’avantage matrimonial peut être encore présent au jour du divorce. En d’autres termes, l’avantage matrimonial a pu être décidé par les époux spécifiquement pour s’appliquer à la fin de l’union. Supprimer les effets de cet avantage pourrait conduire à déséquilibrer une convention matrimoniale qui avait été réfléchie ainsi.
En effet, il ne peut être ignorer que chacun des époux peut tirer un avantage différent de la convention matrimoniale : en communauté, l’un peut bénéficier d’un avantage non révocable, car prenant effet au cours de l’union (un apport à communauté par l’autre époux, par exemple), quand le second époux bénéficiera d’un avantage provenant d’une modification d’une règle liquidative, donc révocable. Les époux auront pu décider l’irrévocabilité de l’avantage dans l’acte instituant ces avantages.
En cas de divorce, comment pourrait-on priver ce second époux de son avantage matrimonial, à la seule raison que son époux ne souhaite plus exprimer la volonté de maintenir cet avantage dans la convention de divorce (alors que ce même époux conservera, lui, le bénéfice de son avantage) ?
Enfin, à l’inverse d’une disposition à cause de mort qui prendra effet qu’au décès du disposant, l’avantage matrimonial prendra nécessairement effet, au plus tard, au jour de la liquidation du régime.
Une révocation de plein droit au jour du divorce n’a pas de sens.
Aussi, pour sécuriser les conventions matrimoniales passées et futures, le 118e Congrès des notaires de France suggère d’envisager en cas de divorce, un statut particulier pour le sort de l’avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime, distinct de celui des dispositions à cause de mort.
En outre, le 118e Congrès des notaires de France propose de réfléchir à une définition de l’avantage matrimonial et de confirmer qu’un régime de participation aux acquêts, voire de séparation de biens peuvent être le support d’un avantage matrimonial.

 

Succession – Pour une extension de la clause d’exclusion de l’administrateur légal à la vocation successorale ab intestat

Exposé des problématiques rencontrées :
La clause de désignation d’un tiers administrateur, régie par l’article 384 du Code civil, permet à un donateur ou un testateur de prévoir que les biens transmis à un mineur pourront être gérés par le représentant désigné en dehors des contraintes posées par les règles civiles de l’administration légale.
Article 384 du Code civil
« Ne sont pas soumis à l’administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu’ils soient administrés par un tiers.
Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d’un administrateur légal.
Lorsque le tiers administrateur refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations prévues aux articles 395 et 396, le juge des tutelles désigne un administrateur ad hoc pour le remplacer. »
Le choix par l’auteur d’une libéralité de désigner un tiers administrateur peut avoir différentes motivations :

  • volonté de décharger un administrateur légal des soucis liés à la gestion d’un patrimoine complexe.
  • défiance vis-à-vis de l’administrateur légal, comme l’écrit Gérard Cornu, l’article 384 « est destiné à favoriser des libéralités dressées aux enfants dans les hypothèses où les donateurs ou les testateurs auraient quelque raison de se méfier de la cupidité ou de l’incurie des parents ». Le texte vise donc à éviter le caractère éventuellement dissuasif de l’administration légale pour l’auteur d’une libéralité, et ce dans l’intérêt du mineur gratifié.

Dans leurs études, les notaires sont ainsi souvent interrogés sur la possibilité d’écarter son ex-conjoint de la gestion de ses biens personnels qui seront dévolus aux enfants communs lors du décès. Nous constatons effectivement une certaine méfiance entretenue par un parent vis-à-vis d’un ex-conjoint dont l’immixtion dans ses affaires familiales ne serait pas jugée souhaitable. Les divorces intervenants de plus en plus rapidement après l’union, il est fréquent que le couple ait des enfants mineurs et veuille organiser la gestion de biens de ces derniers en cas de décès pendant leur minorité.
La Cour de cassation est venue préciser le régime de cette clause en donnant plein effet à la volonté du disposant. Plusieurs questions en sortent aujourd’hui clarifiées : la clause d’exclusion de l’administration légale peut porter sur la réserve du mineur et n’a pas à être motivée.
Reste que le texte exige que la désignation intervienne dans le cadre d’une libéralité. On exclut donc la possibilité d’écarter l’administrateur légal de la gestion des biens reçus par le mineur au titre de sa vocation ab intestat.
L’analyse de la jurisprudence démontre que la Cour de cassation semble pourtant prompte à contourner la difficulté en acceptant la notion de legs de manière assez large.<

Par ailleurs, le legs qui prévoit une clause d’exclusion de l’administration légale au profit d’un tiers chargé de gérer les biens du mineur n’est pas sans poser des difficultés d’ordre civile et fiscale.

Recommandation :

Le 118e Congrès des notaires de France recommande, comme l’a déjà proposé le 113e Congrès des notaires de France, de permettre d’exclure l’administration légale sans déroger à la dévolution légale.

Pourquoi le testament qui permet la désignation d’un tuteur testamentaire ou d’un exécuteur testamentaire, c’est-à-dire un testament qui organise les modalités d’administration des biens successoraux, ne pourrait-il contenir une clause excluant l’administration légale ? Le testateur peut souhaiter exclure l’administration légale sur les biens que l’enfant reçoit sans pour autant déroger à la dévolution légale. Cela permettrait également d’éviter des situations source de tension à l’ouverture de la succession du testateur : si ce dernier, après avoir institués légataires des enfants d’une précédente union dans le but d’exclure la gestion de ses biens par l’autre parent, a un enfant d’une autre union et qu’il ne modifie pas son testament, il crée un déséquilibre entre tous ses enfants, déséquilibre peut-être involontairement…

 

Mariage – Pour l’allègement des notifications aux enfants en matière de changement de régime matrimonial

Exposé des problématiques rencontrées :
Le principe est celui de l’immutabilité des conventions matrimoniales, lequel a été clairement affirmé depuis la fin du XVIe siècle. L’article 1395 du Code napoléonien prévoyait que les conventions matrimoniales « ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration du mariage ». Le principe de l’immutabilité était alors absolu tant pour préserver la paix des ménages que pour protéger les tiers.
Cette mutabilité est dorénavant beaucoup plus souple, sans pour autant être complètement annihilée.
La loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 a abandonné le principe de l’immutabilité absolue du régime matrimonial. Elle a autorisé le changement de régime matrimonial après respect d’un délai d’attente,
d’une durée de deux années après le mariage. L’acte de changement de régime matrimonial, par devant notaire, était soumis à un contrôle juridictionnel ordonné à la protection de certains intérêts : recherche de l’intérêt de la famille et respect de l’intérêt des tiers.
À l’occasion de la réforme des successions et des libéralités du 23 juin 2006 (L. n° 2006-728, 23 juin 2006), le législateur a modifié les règles du changement de régime matrimonial. Depuis l’entrée en vigueur de ladite loi, le 1er janvier 2007, en principe le changement de régime matrimonial n’est plus soumis à l’homologation. Cette formalité n’est nécessaire que si les époux ont des enfants mineurs ou en cas d’opposition des enfants majeurs ou des créanciers qui sont préalablement informés du changement. Les modalités d’application de l’homologation sont fixées par le Code de procédure civile (CPC, art. 1300 à 1303). L’adoption d’un régime matrimonial distinct postérieurement à la célébration du mariage suppose donc nécessairement le recours à un changement de régime dans les conditions fixées par l’article 1397 du Code civil. Sur le fond, lorsque le changement est soumis à homologation, le juge doit toujours vérifier qu’il est conforme à l’intérêt de la famille. À défaut d’homologation, les époux sont libres de leur choix sous le contrôle toutefois des enfants majeurs et des créanciers qui par leur opposition peuvent imposer l’homologation.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a réformé, à son tour, la procédure de changement de régime matrimonial. Tout d’abord, l’article 8 de la loi a supprimé le délai de deux ans entre deux changements ou aménagements de régime matrimonial. Ensuite, le même article 8 a écarté l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial en présence d’enfants mineurs. Lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs placés sous le régime de l’administration légale, le notaire peut alors saisir le juge des tutelles dans les conditions de l’article 387-3, alinéa 2 du Code civil. Dorénavant, à défaut d’homologation, les époux sont libres de leur choix sous le contrôle toutefois des enfants majeurs et des créanciers qui par leur opposition peuvent imposer l’homologation, ainsi que du notaire en présence d’enfants mineurs placés sous le régime de l’administration légale. Cette mission dévolue aux notaires, sur le fondement de l’article 387-3, alinéa 2 du Code civil, est communément appelée la procédure d’alerte.
Actuellement, en présence d’enfants majeurs, il n’est plus question d’homologation par le tribunal mais d’information par courrier recommandé, lequel ouvre un délai d’opposition d’une durée de trois mois.
En présence d’enfants mineurs, sous le régime de l’administration légale, le notaire peut choisir de saisir le juge des tutelles. Il s’agit d’un devoir d’alerte du juge accordé aux notaires sur le fondement de l’article 387-3, alinéa 2.
En présence d’enfants mineurs sous tutelle ou d’enfants majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.

Recommandation

Au regard de ses échanges quotidiens avec les concitoyens, le 118e Congrès des notaires de France recommande de généraliser le devoir d’alerte du juge accordé aux notaires pour les enfants mineurs, et supprimer la notification obligatoire des changements de régimes matrimoniaux aux enfants majeurs. Le 118e Congrès des notaires de France recommande de conserver, en présence d’enfants mineurs, la saisine le juge si le notaire estime que le changement ou l’aménagement de régime matrimonial est contraire à l’intérêt de l’enfant. Droit prospectif : en présence d’enfants majeurs, le 118e Congrès des notaires de France propose que le notaire doive saisir les enfants majeurs s’il estime que le changement ou l’aménagement de régime matrimonial est contraire à l’intérêt de l’enfant. En définitive, au fil du temps, l’immutabilité absolue s’est mue en une mutabilité de moins en moins contrôlée du régime matrimonial tel que le résume le schéma ci-dessous. Une dernière étape devrait être franchie.

 

Avant 1966 Entre1965 et2007 Entre2007 et2019 Depuis2019 La recommandation du 118e Congrès des notaires de France
Enfants Mineurs sousl’administrationlégale IMMUTABILITÉ

ABSOLUE

Contrôle

judiciaire

Contrôlejudiciaire Pouvoird’alertedu

notaire

Pouvoir d’alertedu notaire
Majeurs Contrôle desenfants majeurs

Créanciers

Contrôle descréanciers Contrôle descréanciers

 

 

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