Accueil > Autorité parentale, Concubinage, Décisions, Divorce, Mineurs, Régimes matrimoniaux > Actualité de la semaine : autorité parentale, enlèvement d’enfants, indivision, liquidation du régime matrimonial

Actualité de la semaine : autorité parentale, enlèvement d’enfants, indivision, liquidation du régime matrimonial

22/10/2021

Jurisprudence3Voici l’actualité jurisprudentielle de la semaine à digérer pendant les vacances !

. Autorité parentale ;
. Enlèvement d’enfants
. Indivision
. Liquidation du régime matrimonial

 

  • AUTORITÉ PARENTALE

Conflit de compétences entre le JAF et le juge des enfants : revirement de jurisprudence (Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 19-26.152) – En l’occurrence, le JAF avait dans le cadre d’une procédure de divorce fixé la résidence de l’enfant au domicile de son père, accordant à sa mère un droit de visite et d’hébergement. Quelques mois plus tard, un juge des enfants a ordonné une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert au bénéfice de l’enfant et, six mois plus tard, l’a confié à son père et accordé à sa mère un droit de visite médiatisé jusqu’à la prochaine décision du juge aux affaires familiales. Une décision qui a été annulée par la cour d’appel en ce qu’elle a ordonné le placement de l’enfant au domicile du père et organisé un droit de visite médiatisé de la mère, seule le JAF pouvant statuer sur le droit de visite et d’hébergement de celle-ci. Le pourvoi du père est rejeté : « la cour d’appel a retenu à bon droit, d’une part, que, le juge aux affaires familiales ayant fixé, lors du jugement de divorce, la résidence habituelle de la mineure au domicile de son père, le juge des enfants n’avait pas le pouvoir de lui confier l’enfant, l’article 375-3 du code civil, ne visant que “ l’autre parent ”, d’autre part, qu’en l’absence de mesure de placement conforme aux dispositions légales, le juge des enfants n’avait pas davantage le pouvoir de statuer sur le droit de visite et d’hébergement du parent chez lequel l’enfant ne résidait pas de manière habituelle. Elle en a exactement déduit que seul le juge aux affaires familiales pouvait modifier le droit de visite et d’hébergement de la mère de l’enfant.»

 

NB : cette décision, très attendue des juges des enfants notamment, sera commentée dans l’AJ famille par Laurent Gebler.  Le JE ne peut confier l’enfant au parent déjà « gardien », ou statuer sur les DVH alors que l’enfant n’est pas placé.

Le juge doit définir la périodicité du droit de visite accordé aux parents de l’enfant placé (Civ. 1re, 13 oct. 2021, n° 20-10.985)S’il a été nécessaire de confier l’enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de visite dont le juge fixe les modalités, soit la nature et la fréquence. Une cour d’appel viole l’article 375-7, alinéas 4 et 5, du code civil en accordant aux parents un droit d’accueil et d’un droit d’hébergement dont la fréquence et les modalités sont à organiser en concertation avec le service gardien. Il lui incombait de définir la périodicité du droit de visite accordé, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

NB : jurisprudence classique désormais.

 

ENLÈVEMENT D’ENFANTS

Déplacement illicite : rejet d’une demande de retour fondée sur le risque grave (Civ. 1re, 13 oct. 2021, n° 21-15.811) – Alors que la mère avait quitté le Portugal pour la France avec les trois enfants du couple, une cour d’appel rejette la demande de retour du père après avoir constaté que tant la mère que les enfants avaient été victimes de comportements violents de la part du père et retenu que celui ci vivait en France depuis le mois de mars 2020, que ses conditions de vie s’il retournait au Portugal étaient ignorées et qu’il n’était plus en contact avec aucun service portugais depuis presqu’un an, de sorte qu’il n’était pas établi que des dispositions adéquates avaient été prises pour assurer la protection des enfants en cas de retour. La Cour de cassation l’approuve : elle  n’était pas tenue de consulter l’autorité centrale portugaise sur le caractère approprié d’éventuelles mesures de protection et a pu déduire de ses constatations qu’il existait un risque grave que le retour des enfants ne les exposât à un danger physique ou psychique.

  • INDIVISION

Droit de l’ex-époux de provoquer le partage sur un bien en indivision quant à la nue-propriété peu important le droit d’usufruit de l’ex-épouse (Civ. 1re, 13 oct. 2021, n° 20-16.282) Une ex-épouse a obtenu en 1997 de son ex-mari une prestation compensatoire sous la forme d’un abandon d’usufruit de l’époux sur sa part de communauté dans l’immeuble ayant constitué le domicile conjugal ; immeuble dont ils sont devenus définitivement propriétaires en 2001. En 2006, l’ex-époux souhaite provoquer le partage. Ce qu’il pouvait faire. D’une part, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué (C. civ., art. 815). D’autre part, l’indivisaire en nue-propriété peut demander le partage de la nue-propriété indivise par voie de cantonnement sur un bien ou, en cas d’impossibilité, par voie de licitation de la nue-propriété (C. civ., art. 818). Ayant constaté que les ex-époux détenaient chacun pour moitié des droits en nue-propriété sur l’immeuble litigieux, de sorte qu’il existait entre eux une indivision quant à la nue-propriété, la cour d’appel en a exactement déduit que l’ex-mari était en droit de provoquer le partage, peu important le droit d’usufruit de l’ex-femme sur ce bien.

Liquidation d’une indivision : sort des frais d’assurance habitation et des mensualités d’emprunt payées par l’assureur (Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 20-11.921) –  En l’occurrence, deux personnes, qui vivaient alors en concubinage, ont acquis en indivision un immeuble, chacun pour moitié, au moyen de deux emprunts souscrits solidairement, pour lesquels ils ont adhéré à une assurance garantissant, en cas d’invalidité, le remboursement de la totalité du prêt restant dû. Après la séparation du couple et la vente du bien, des difficultés se sont élevées à l’occasion de la liquidation de l’indivision, étant précisé que l’assureur a eu à rembourser un an de mensualités des deux prêts du fait de l’invalidité de Monsieur. Deux enseignements peuvent être tirés de la Cour de cassation qui rappelle au préalable les termes de l’article 815-13 du code civil : lorsqu’un indivisaire a avancé de ses deniers les sommes nécessaires à la conservation d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité et eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage.

D’une part, après avoir relevé que l’ex-concubin avait souscrit une assurance habitation dont il avait seul réglé les cotisations, une cour d’appel a retenu à bon droit que les sommes ainsi payées, qui participaient à la conservation de l’immeuble, devaient être imputées au passif de l’indivision, après déduction de la fraction correspondant aux garanties couvrant les dommages subis personnellement par le titulaire du contrat et sa responsabilité civile.

D’autre part, après avoir relevé qu’à la suite de l’invalidité de l’ex-concubin, l’assureur avait réglé, pendant un an, l’intégralité des mensualités de remboursement des deux emprunts, cette même cour d’appel a retenu à bon droit que celui-ci, qui n’avait exposé aucune dépense au moyen de ses deniers personnels pendant cette période, n’était pas fondé à obtenir de l’indivision une indemnité correspondant aux sommes ainsi versées pour son compte. Sur ce second point, la Cour de cassation relève encore que  l’établissement prêteur ayant, par l’effet de la stipulation ainsi faite à son profit, directement recueilli l’indemnité versée par l’assureur qui s’était substitué à l’assuré pour le remboursement du solde des prêts garantis, cette indemnité n’était jamais entrée dans le patrimoine de l’ex-concubin.

  • LIQUIDATION DU RÉGIME MATRIMONIAL

Le juge ne peut refuser de calculer le montant de la récompense due à la communauté en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties (Civ. 1re, 13 oct. 2021, n° 19-26.284). – En l’occurrence, l’ex-épouse produisait le contrat de prêt souscrit par son ex-époux avant le mariage et sollicitait une récompense au titre de quatre-vingt-deux échéances prises en charge par la communauté. La cour d’appel ne pouvait, pour rejeter sa demande, retenir qu’il n’incombe pas à la juridiction de suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve et que celle-ci ne démontre pas les éléments permettant de liquider la créance au regard de l’article 1469 du code civil dont elle sollicite l’application. Elle devait calculer le montant de la récompense en considération du contrat de prêt et de son échéancier.

Entreprise agricole du mari : dépenses de gestion courante et emprunts (Civ. 1re, 13 oct. 2021, n° 19-24.008) – Plusieurs précisions sont apportées par la Cour de cassation, dont : 

  1. il ressort des articles 1401, 1403 et 1437 du code civil que la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens et que leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu’il a été fait avec des fonds communs. Il s’ensuit que n’ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté le paiement, au moyen des revenus bruts d’une exploitation agricole propre à un époux, des dépenses résultant de la gestion courante de celle-ci, tels le remplacement d’un matériel amorti ou l’entretien des biens mobiliers ou immobiliers affectés à l’exploitation ;
  2. seul le solde des emprunts, contractés par les époux afin de financer l’acquisition de matériel pour les besoins de l’exploitation agricole de l’époux, afférents au remplacement d’un matériel amorti doit être supporté à titre définitif par la communauté à compter de sa dissolution, à l’exception du solde relatif à l’acquisition du nouveau matériel qui doit être supporté par l’époux.

 

NB – L’arrêt mérite un commentaire complet tant il est riche (v., nos obs. dans le prochain numéro de l’AJ famille). Cependant, sur les deux points ici résumés, on peut d’ores et déjà faire les rapides observations suivantes.

Le premier point n’est pas loin de constituer un revirement par rapport à une jurisprudence antérieure de 2007, et ce changement est bienvenu. Fondamentalement, il s’agit de dire si l’époux qui exploite en nom (et donc sans société) un fonds (libéral, artisanal, ou agricole comme en l’espèce) qui lui est propre, doit récompense à la communauté chaque fois qu’il prend des deniers issus de son travail pour régler des dépenses liées à son exercice professionnel (payer son URSSAF, ses cotisations retraite obligatoires, acheter du matériel, etc.). En 2007, la réponse avait été affirmative, au nom du fait que la communauté encaissant les revenus de biens propres (fameuse jurisprudence Authier c/ Pouyat du 31 mars 1992), lesdites dépenses afférentes à une exploitation propre étant payées avec des biens communs, la récompense était inévitable. Cette façon de raisonner avait fait grincer quelques dents en doctrine (dont les nôtres), tant elle confondait chiffre d’affaires et bénéfices. Mais il est vrai, en sens inverse, qu’être trop laxiste fait courir le risque d’une communauté qui pourrait être asséchée des revenus de l’exploitation propre.  

Dans l’arrêt du 13 octobre 2021, la Cour de cassation montre qu’elle a entendu ces critiques puisqu’elle admet que les “dépenses résultant de la gestion courante” de l’exploitation n’ouvre pas droit à récompense au profit de la communauté. L’époux professionnel peut donc payer son URSSAF et assimilés avec son revenu d’activité, et ceci sans craindre de récompense.

Quant aux dépenses d’investissement, la Première chambre civile pose une règle de bon sens qui avait été suggérée en doctrine (v., les obs. de Ph. Simler sous l’arrêt de 2007) : le passif correspondant dépendra du temps pendant lequel la communauté aura pu jouir des revenus procurés par cet investissement. Un bien acquis depuis plusieurs années qui a permis à la communauté d’avoir des revenus et qui est amorti doit être neutre. Le passif acquitté avec des biens communs (les revenus de l’exploitation propre) n’ouvrira donc pas droit à récompense. Au contraire, si le bien a été acquis très peu de temps avant la dissolution de la communauté, le passif restant ne doit pas être à la charge de la communauté puisque celle-ci ne verra jamais la couleur des revenus que ce bien contribuera à produire (dans le futur). Ce n’est pas rédigé ainsi, mais c’est clairement ce qui est pensé, et voulu par la première chambre civile. On en veut pour preuve le visa de l’article 1485 al. 2 civ. : doit rester propre le passif qui eût donné lieu à récompense s’il eût été payé avec des deniers communs. On peut le dire autrement : si la communauté n’encaisse pas les revenus, elle ne doit pas supporter le passif correspondant à titre définitif. 

Au fond, la Cour de cassation accepte par cette décision (qui n’a pas dû être facile à prendre), de limiter sérieusement le domaine de son précédent de 2007, mais sans le renier totalement. C’est en cela que nous y voyons un revirement, mais un revirement “doux”. Si la dépense devait se révéler être “anormale” par rapport à une gestion courante (on discutera sans fin de cette notion, mais c’est du fait), une récompense sera due. De même les acquisitions non amorties (ou peu amorties) au jour de la dissolution verront le passif restant dû être laissé à la charge de l’époux exploitant.  

Au final l’arrêt parvient à un point d’équilibre intéressant entre exploitation d’un fonds propre sans craindre une foule de récompenses, et protection de la communauté.

 

Valérie Avena-Robardet & Jérôme Casey

Les commentaires sont fermés.