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Sélection d’arrêts : adoption, assistance éducative, autorité parentale, couple, divorce, enlèvement d’enfants

16/07/2021

Jurisprudence3Encore une semaine qui est passée à toute vitesse. Voici notre sélection d’arrêts de la semaine : adoption, assistance éducative, autorité parentale, couple, divorce, enlèvement d’enfants.

ADOPTION

Adoption plénière par l’époux des deux enfants de son mari nés d’une GPA – Civ. 1re, 7 juill. 2021, n° 20-10.721 et 20-10.722 : le droit français n’interdit pas le prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né à l’étranger de cette procréation lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l’acte de naissance de l’enfant, qui ne fait mention que d’un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l’absence de tout élément de fraude.

NB – Les deux arrêts sont rendus dans la même affaire et sont identiques (chaque arrêt concerne un enfant différent). S’agissant de la solution, v. déjà Civ. 1re, 4 nov. 2020, n° 19-50.042 et 19-15.739, AJ fam. 2020. 664, J. Houssier.

ASSISTANCE ÉDUCATIVE

Recevabilité de l’appel en matière d’assistance éducative d’une assistante maternelle de l’ASE (Civ. 1re, 8 juill.2021, n° 20-23.429) – Il résulte de la combinaison des articles 546 et 1191 du code de procédure civile que le second, qui détermine les personnes ayant qualité pour former appel en matière d’assistance éducative, ne déroge pas au principe, posé par le premier, d’après lequel le droit d’appel appartient à toute personne qui a été partie en première instance et qui y a intérêt. Viole ces textes une cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable l’appel de l’intéressée, retient que la qualité d’assistante familiale salariée de l’ASE la prive de tout recours contre les décisions du juge des enfants, alors qu’ayant demandé que l’enfant lui soit confiée en qualité de tiers digne de confiance, elle était partie en première instance et avait intérêt à interjeter appel.

Assistance éducative et difficile preuve de la minorité des étrangers (Civ. 1re, 8 juill. 2021, n° 21-11.900 et 21-11.965) – L’apparence physique est retenue contre l’étranger qui se prétendait mineur dans le premier arrêt mais n’est pas prise en considération dans le second alors qu’elle lui était favorable…

Dans le premier arrêt (n° 21-11.900), après avoir retenu que l’acte de naissance extrait du registre pour l’année 2013 sans référence à un jugement supplétif produit par l’intéressé pouvait être considéré comme valable au regard de la loi ivoirienne du 25 janvier 2013, une cour d’appel a souverainement estimé, d’une part, que l’incohérence de ses énonciations comparées aux éléments recueillis lors de l’évaluation sociale sur le parcours migratoire de l’intéressé et son apparence physique établissait que celles-ci ne correspondaient pas à la réalité, faisant ainsi ressortir que l’acte était dépourvu de la force probante reconnue par l’article 47 du code civil, d’autre part, que ces mêmes éléments ne rendaient pas vraisemblable l’âge allégué.

Dans le second arrêt, une cour d’appel a pu considérer que la preuve de la minorité de l’intéressé n’était pas rapportée, dès lors que, après avoir retenu que les conditions d’obtention irrégulières du jugement supplétif fourni par celui-ci, associées à l’anomalie relevée par le bureau d’analyse de la fraude documentaire de la police des frontières tant sur le jugement supplétif que sur l’acte de transcription, empêchaient de reconnaître toute force probante à ces documents, elle a relevé, d’une part, que, lors de l’évaluation réalisée par les services de l’aide sociale à l’enfance, il avait donné des éléments temporels qui n’étaient pas cohérents avec l’âge qu’il alléguait, s’agissant notamment de l’âge de sa soeur, et qu’il n’avait pas évoqué l’oncle qui aurait demandé le jugement supplétif et, d’autre part, que le fait que son apparence physique fût en cohérence avec l’âge allégué et que son intégration dans un groupe de jeunes se passât bien étaient des éléments subjectifs insuffisants pour établir sa minorité.

NB – v. A. Bouix, État civil étranger et preuve de la minorité. Incivilités et soupçon des autorités françaises à l’égard des personnes mineures isolées étrangères, AJ fam. 2021. 497.

Assistance éducative et espace de rencontre : le juge n’a pas à déterminer la périodicité et la durée des rencontres d’un tiers   (Civ. 1re, 8 juill. 2021, n°  21-14.035) – D’une part, l’article 371-4 du code civil ne précise pas les modalités selon lesquelles le droit de visite et d’hébergement du tiers peut s’exercer. D’autre part, si l’article 1180-5 du code de procédure civile dispose que, lorsque le juge décide que le droit de visite de l’un des parents s’exercera dans un espace de rencontre, en application des articles 373-2-1 ou 373-2-9 du code civil, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres, ce texte n’est pas applicable aux relations entre les enfants et un tiers (ex-compagnon de la mère qui a par ailleurs engagé une action en contestation de reconnaissance de paternité à l’encontre du  conjoint de la mère au moment de la naissance).

AUTORITÉ PARENTALE

Autorité parentale : atteinte au droit au respect de la vie familiale  (CEDH, 13 juill. 2021, Neves Caratão Pinto c/ Portugal, n° 28443/19) – Les autorités portugaises ont violé l’article 8 Conv. EDH  en renouvelant une mesure de protection de jumeaux (confiés à des membres de leur famille) prise initialement dans le cadre de violences conjugales alors que la requérante avait tenu tous les engagements qu’elle avait pris dans le cadre du premier accord de protection.

COUPLE

Les couples de même sexe doivent pouvoir faire reconnaître officiellement leur relation (CEDH, 13 juill. 2021, Fedotova et autres c/ Russie, n° 40792/10) – Le communiqué de presse relève que “la Russie a l’obligation d’assurer le respect de la vie privée et familiale des requérants en leur fournissant un cadre juridique leur permettant de faire reconnaître et protéger leurs relations dans le droit interne. L’absence de toute possibilité pour les couples de même sexe de faire reconnaître officiellement leur relation crée un conflit entre la réalité sociale des requérants et la loi. La Cour rejette l’argument du gouvernement selon lequel les intérêts de la société dans son  ensemble peuvent justifier l’absence de possibilité pour les couples de même sexe d’officialiser leur relation. Elle estime qu’en refusant aux couples homosexuels l’accès à la reconnaissance officielle de leur statut, les autorités russes ont outrepassé le pouvoir discrétionnaire (marge d’appréciation) dont elles disposent. La Cour précise que le choix de la forme la plus appropriée d’enregistrement des unions homosexuelles reste à la discrétion de l’État défendeur.”

Séparation d’un couple de même sexe : aucun droit de visite et d’hébergement sur l’enfant de l’ex-épouse (Civ. 1re, 7 juill. 2021, n° 19-25.515) – Une cour d’appel peut refuser à l’ex-épouse de la mère un droit de visite et d’hébergement sur l’enfant né avant le mariage quand bien même elle se serait investie auprès de lui jusqu’à ses dix-huit mois et s’y serait attachée et qu’il est fort probable que sa venue au monde ait été un projet commun.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel s’est déterminée en considération de l’intérêt de l’enfant, qu’elle a souverainement apprécié, en relevant que l’ex-concubine n’avait pu créer de lien affectif durable avec celui-ci, désormais âgé de 6 ans et demi, qu’au vu de son très jeune âge, l’enfant n’a pu garder de réels souvenirs de celle-ci, même en tenant compte de rencontres ponctuelles en mai 2015, et qu’il vit désormais avec sa mère et le nouveau compagnon de celle-ci, le couple ayant donné naissance à un autre enfant et que, dans ce contexte, le conflit entre les deux femmes ne s’étant pas apaisé, la mise en oeuvre de rencontres entre l’ex-épouse et l’enfant ne pourrait qu’être fort déstabilisante pour lui.

DIVORCE

Divorce : une déclaration de revenus et charges n’est pas une déclaration de patrimoine (Civ. 1re, 7 juill. 2021, n° 19-23.030) – Une déclaration des revenus et charges n’a pour objet que d’exposer les revenus et les charges de l’intéressé, et non ses éléments de patrimoine, de telle sorte que les bons au porteur n’ont pas à y figurer.

NB – Un arrêt bien étrange… Romeo voulait récupérer des bons au porteur qu’il prétendait avoir souscrits pendant le mariage. La discussion juridique roulait donc sur le caractère équivoque ou non de la possession de Juliette. Or, une cour d’appel ordonne la restitution, estimant que la possession de cette dernière est équivoque, en raison du fait que Juliette, dans les pièces de son divorce, a produit une déclaration de patrimoine dans laquelle elle ne faisait état que de ses revenus et charges. Cassation : en statuant ainsi, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette déclaration, intitulée déclaration des revenus et charges, qui n’avait donc pour objet que d’exposer les revenus et les charges de Juliette. Autrement dit, en ne rédigeant pas une vraie déclaration sur l’honneur, mais une “déclaration de revenus et charges”, Juliette a eu raison… Rédiger un acte incomplet en droit du divorce constitue un comportement qui non seulement n’est pas sanctionné en droit des biens, mais se trouve être récompensé, puisque Juliette a, au final, conservé les bons au porteur… Certes, l’arrêt n’est pas rendu en matière de divorce, mais sur la question de la restitution (en l’occurrence refusée) des bons au porteur, mais quand même ! Quelle incitation à déclarer n’importe quoi dans le divorce pour mieux triompher ensuite dans le contentieux liquidatif ! Le cynisme le plus froid le dispute ici au juridisme le plus étroit. Pas sûr que la Cour de cassation soit dans son rôle en favorisant ainsi la chicane et les coups tordus. Le fait demeure, et les conseillers d’appel l’avaient très bien vu : la possession de Juliette n’avait rien de public, de paisible et de non équivoque.

 

ENLÈVEMENT D’ENFANTS

Non-retour illicite de l’enfant (Civ. 1re, 8 juill. 2021, n° 21-13.556) – Ayant relevé que la résidence habituelle de l’enfant était située en Allemagne, que l’exercice de l’autorité parentale était conjoint en vertu du droit allemand et que la mère, venue passer des vacances avec sa fille en France, y était demeurée avec elle après le 23 août 2019 malgré l’opposition du père, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante concernant une décision relative aux modalités de la garde rendue ultérieurement (qui, en l’occurrence, avait provisoirement transféré à la mère la résidence) en a exactement déduit que le non-retour de l’enfant était illicite.

NB – Une décision parfaitement logique au regard des critères de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 (art. 3), dès lors que la résidence de l’enfant était en Allemagne au jour du déplacement et que l’autorité parentale était conjointe selon le droit allemand. Peu importe aussi qu’une décision allemande soit susceptible d’être rendue en Allemagne, postérieurement au déplacement, en vue d’un transfert de cette résidence chez la mère (art. 17 de la Convention). Ce qui était une simple visite en France doit donc le demeurer. On regrettera que la même rigueur n’ait pas été de mise pour le déplacement d’un enfant né en Grèce un mois avant son déplacement en France, alors que le rattachement Grec était acquis (Civ. 1re, 12 juin 2020, n° 19-24.108, FS-P+B+I, AJ fam. 2020. 423, obs. crit. A. Boiché). Dans l’arrêt ici commenté, l’enfant avait presque un an au jour de son déplacement en France. Dans l’arrêt “grec”, il avait un mois. Les situations n’étaient donc pas strictement équivalentes, mais fort proches. Pourtant, ce qui fut jugé possible en 2020 (le non-retour de l’enfant) ne l’est pas aujourd’hui. Faut-il voir dans la présente décision un désaveu de l’arrêt du 12 juin 2020 ? Difficile de le dire, mais on ne peut que saluer le retour à une stricte orthodoxie juridique. A suivre…

Jérôme Casey & Valérie Avena-Robardet

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