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Adoption : non-renvoi d’une QPC

07/06/2012

Le 6 juin 2012, la Cour d’appel de Paris a refusé de renvoyer à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été posée en matière d’adoption posthume à propos de l’article 353-2 du code civil aux termes duquel « La tierce opposition à l’encontre du jugement d’adoption n’est recevable qu’en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants ». Voici un extrait de la décision. 

« Considérant en l’espèce que, dans son arrêt du 11 janvier 2005, après avoir énoncé que les voies de recours dont un jugement est susceptible sont régies par la loi en vigueur à la date de celui-ci, la Cour de cassation a jugé que la loi du 11 juillet 1966 était applicable au litige, étant rappelé que le jugement d’adoption litigieux a été rendu le 11 décembre 1991 ;

Considérant que tant les consorts B…, auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité, que les consorts P.., qui s’y sont associés, prétendent néanmoins, de manière singulière, que ce sont les règles du code de procédure civile de la Polynésie française qui sont applicables et que c’est seulement si la cour jugeait que ce sont les règles du code civil qui sont applicables qu’elle devrait se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité ;

Mais considérant que, texte de nature législative, l’article 353-1 du code civil, devenu 353-2 en vertu de l’article 11 de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996, est indissociable des autres dispositions du code civil sur l’adoption et constitue par conséquent une règle de fond qui est dérogatoire aux règles, de nature réglementaire, de la procédure civile sur la tierce opposition et qui, relative à l’état des personnes, est comme telle applicable en Polynésie française ;

Que l’article 353-1 devenu 353-2 du code civil est par conséquent applicable au litige ;

Qu’en revanche, l’article 11 de la loi du 11 juillet 1966 portant réforme de l’adoption n’est pas applicable au litige, dès lors qu’il concerne les adoptions et légitimations adoptives prononcées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi et que l’adoption litigieuse a été prononcée le 11 décembre 1991 ;

Considérant que l’article 353-1 devenu 353-2 du code civil est argué d’inconstitutionnalité en ce qu’il violerait les dispositions de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

Considérant que, selon l’article 353-1 devenu 353-2, « la tierce opposition à l’encontre du jugement d’adoption n’est recevable qu’en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants » ;

Considérant que, selon l’article 16, « toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;

Considérant que, selon le Conseil constitutionnel, il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant le cas échéant, d’autres dispositions et il résulte de l’article 16 précité qu’en principe il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction Considérant qu’il ne peut être sérieusement soutenu qu’en autorisant la tierce opposition à l’encontre d’un jugement d’adoption seulement en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants et non en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptés, l’article 353-1 devenu 353-2 prive de garantie les droits reconnus au tiers opposant, dès lors, d’une part, que le législateur a seulement entendu restreindre la tierce opposition, ouverte pendant trente ans, afin d’assurer la sécurité de la décision d’adoption, d’autre part, que l’auteur de cette voie extraordinaire de recours ne voit nullement privés d’un recours effectif devant une juridiction les droits qui lui sont reconnus par la loi ;

Considérant qu’il ne peut davantage être sérieusement soutenu que l’article 353-1 devenu 353-2 prive de garantie les droits reconnus au tiers opposant au motif que les voies de recours ouvertes contre un jugement ne peuvent être restreintes au cours de l’instance y ayant donné lieu, dès lors, d’une part, que la tierce opposition n’est ouverte qu’à compter du jugement d’adoption, d’autre part, que, si elle a limité la tierce opposition aux cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants, la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 a restauré le délai de prescription trentenaire qui existait avant que la loi n° 63-215 du 1er mars 1963 édicte un délai de prescription annale ;

Considérant qu’il ne peut encore être sérieusement soutenu que l’article 353-1 devenu 353-2 porte atteinte au principe d’égalité devant la loi et la justice et aux droits de la défense, dès lors, d’une part, que ce principe et ces droits ne sont pas garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, seul texte invoqué, d’autre part, que le grief, tel que formulé sans autre précision, est inopérant ;

Qu’ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu de la transmettre à la Cour de cassation ».

Paris, 6 juin 2012, RG n° 06/16739

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