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La médiation à Paris

04/04/2011

Danièle Ganancia, vice-président au TGI du Paris et référent pour la médiation, a organisé le 11 mars 2011, en partenariat avec l’ ENM, une matinée découverte des techniques de la médiation. Elle y a notamment présenté l’organisation mise en place à Paris pour impulser et développer la médiation dans les chambres civiles.

 À la suite des réflexions de la commission MAGENDIE et du rapport déposé en 2008 sur « Célérité et qualité de la justice, la médiation une autre voie », auquel j’ai coopéré en tant que membre de la commission Magendie, nous avons mis en place en 2009 une réflexion et une action au tribunal, en concertation entre le Président et les magistrats, pour implanter et développer la médiation dans les chambres civiles (la médiation familiale étant déjà institutionnalisée depuis 2007).

L’idée première est que la médiation ne peut plus reposer sur l’initiative de quelques juges (pour disparaître avec eux à leur départ ) : pour implanter et développer la médiation, il faut l’institutionnaliser, c’est-à-dire l’intégrer au fonctionnement de la juridiction.

Cela suppose de mettre en place :

1)                 des structures pérennes ;

2)                 une organisation et des méthodes communes à la juridiction, ou tout au moins aux chambres qui vont y recourir, avec un système de repérage et de traitement des affaires susceptibles d’aller en médiation.

Cela suppose une politique concertée au niveau de la juridiction, avec une impulsion de la hiérarchie, une adhésion des juges, des greffiers, une coopération avec le barreau, et surtout un partenariat avec des médiateurs ou des associations de médiateurs capables d’apporter une garantie de qualité des médiations.

1) Les structures pérennes mises en place

– la nomination d’un magistrat référent dont le rôle est d’impulser et organiser la médiation au tribunal ;

– une unité de médiation civile, présidée par le Président du tribunal ,composée de magistrats, d’avocats et du greffe, dont le rôle est de réfléchir sur les projets concernant la médiation ;

– la signature d’un protocole entre le barreau et la juridiction auquel est annexée une Charte des médiateurs ;

– un partenariat avec des associations de médiation, avec lesquelles le tribunal a signé un protocole de fonctionnement ;

– la constitution d’une liste de médiateurs auprès du tribunal, issue principalement, mais pas seulement, de l’équipe des médiateurs qui assurent des permanences d’information à la médiation au tribunal.

2) L’organisation et les méthodes concrètes

L’option choisie pour développer la médiation de façon structurée a été la « double convocation ». Cette méthode déjà mise en place au service des affaires familiales en 2008 (et qui vient d’être avalisée, pour cette matière familiale, par le décret du 12 nov. 2010), a été étendue aux chambres civiles du tribunal depuis le 1er mars 2010.

Dans les affaires qu’il a préalablement sélectionnées comme pouvant relever de la médiation, le juge adresse, dans un même courrier, le bulletin de procédure et une invitation aux parties et à leurs conseils, à se présenter à un entretien avec un médiateur pour une information à la médiation, à une date et un lieu déterminé, préalablement à l’audience de procédure. L’idée de départ est de favoriser la médiation en tout début de procédure, au stade de la conférence du président ou au début de la mise en état, dès la constitution d’un défendeur.

Les parties, à l’audience de procédure qui a lieu 15 jours à trois semaines après l’entretien d’information, indiqueront au juge si elles acceptent la médiation, qui sera ordonnée au stade de la mise en état. Si la médiation est refusée, la procédure poursuit son cours normal.

Ce dispositif a été mis en place en partenariat avec quatre associations de médiations (AME, ANM, CMAP et IEAM) disposant d’un important vivier de médiateurs dont elles ont pu garantir la qualité, la formation et l’expérience.

Les besoins en médiation ont été évalués avec chaque chambre qui dispose, en fonction de la nature de son contentieux, d’un quota de rendez-vous d’information à la médiation.

Ces entretiens sont assurés bénévolement par des médiateurs spécialisés pour chaque domaine de contentieux. En contrepartie, les médiateurs ayant assuré l’entretien de médiation ont la possibilité de poursuivre la médiation avec les parties si elles en sont d’accord. Tous sont des médiateurs professionnels, issus du milieu juridique tels les avocats, ou de l’entreprise, avec une formation conséquente et une expérience particulière dans leur domaine.

Les quatre associations organisent le planning des rendez-vous des médiateurs de leur association, par roulement entre elles.

Au départ, il a été créé dix-sept demi-journées de permanence pour les 10 chambres civiles du tribunal ayant adhéré au dispositif, soit soixante-hui rendez-vous par mois, car, dans chaque demi-journée de permanence, sont assurés quatre rendez-vous d ‘information à la médiation, de trois quarts d’heure chacun.

A l’issue de l’entretien, les médiateurs adressent au juges mandant (ainsi qu’au référent, pour l’établissement des statistiques) une fiche de liaison renseignant sur la présence des parties et des avocats et leur position sur la médiation, ainsi que la provision proposée par le médiateur.

Afin d’assurer une harmonisation des rémunérations entre les médiateurs des quatre associations et assurer une prévisibilité du coût de la médiation pour les parties, les associations, en accord avec le tribunal, ont établi une position commune sur la provision maximum à demander en fonction du taux du litige. Le juge reste toujours maître de la fixation de la provision.

Cette organisation , assez sophistiquée, repose non seulement sur une sensibilisation des juges et des greffiers du tribunal à la médiation, mais encore une parfaite coordination entre les magistrats, qui sélectionnent les affaires et fixent les dates des convocations préalables, les greffiers qui convoquent à l’entretien ainsi qu’à l’audience de procédure, les associations qui organisent les permanences et les médiateurs qui doivent les assurer, et éventuellement poursuivre la médiation. Les trames de convocation ont été établies sur le logiciel Winci.

Quel est le bilan de cette double convocation au bout d’un an ?

1) Au plan qualitatif, les résultats sont très positifs :

Avec cette convocation devant le médiateur, le juge place les parties sur une nouvelle orbite et imprime une nouvelle norme : celle de la négociation préalable à l’affrontement judiciaire (de même que la diplomatie doit précéder la guerre…). La culture de la médiation se diffuse ainsi progressivement au tribunal, auprès des juges, des avocats et des parties.

Au vu des bulletins de liaison, les parties se rendent majoritairement à cet entretien, la plupart du temps avec leurs avocats : dans 61 % des dossiers convoqués les deux parties se sont présentées ensemble. Dans les autres 39 % des dossiers, une seule des parties est présente, ou les deux absentes, ce qui rend impossible la médiation. Globalement, les parties se sont déclarées favorables à la médiation dans 42 % des cas. Ce taux monte à 69 % des cas lorsque les deux parties se sont présentées ensemble. Cet entretien est souvent l’occasion pour les avocats aussi d’y découvrir la médiation, et il est arrivé à quelque uns, enthousiastes, de déclarer vouloir se former à la médiation !

Même lorsque les parties n’acceptent pas la médiation, il a été constaté que cette démarche provoque de façon beaucoup plus fréquente des négociations entre avocats, avec des transactions et des désistements.

2) Au plan quantitatif, les résultats sont plus contrastés :

Si certaines chambres utilisent très régulièrement le dispositif, et obtiennent d’ailleurs des résultats en proportion, d’autres chambres dont le contentieux se prête moins à la médiation, ou moins convaincues, l’utilisent en-deçà des possibilités prévues. La nécessité pour les juges d’opérer une sélection des dossiers freine naturellement cette utilisation, compte tenu de la surcharge très importante de travail de tous les magistrats du tribunal. Le Barreau n’est pas non plus majoritairement acquis à la démarche, et les parties se rétractent souvent après avoir donné leur accord. La parole convaincante du juge lui-même à l’audience semble rester le moyen le plus sûr d’entraîner l’adhésion des parties et des conseils.

Cependant le nombre des médiations ordonnées au tribunal a augmenté de 68 % par rapport à l’an dernier, même s’il est trop tôt pour assister à un déferlement du nombre des médiations au tribunal, compte tenu de la faiblesse du chiffre de départ…

Il reste certain que l’esprit de la médiation pénètre, lentement mais sûrement, dans nos Palais de justice, et le chemin parcouru depuis 10 ans le montre. Il s’agit de persévérer et de semer pour l’avenir cette culture d’une justice consensuelle, facteur de paix sociale.

« Toutes les fleurs de l’avenir sont dans les semences d’aujourd’hui »,Victor Hugo

Danièle Ganancia

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