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Sélection jurisprudentielle de la semaine : assistance éducative, autorité parentale, divorce, état civil, filiation, mineurs/enlèvement international d’enfant

24/02/2023

Jurisprudence3Voici ma petite sélection jurisprudentielle de fin de semaine :

  • assistance éducative
  • autorité parentale
  • divorce
  • état civil
  • filiation
  • mineurs/enlèvement international d’enfant

  • Assistance éducative

Fixation de la résidence habituelle de l’enfant au regard du dossier d’assistance éducative : attention au respect du contradictoire (Civ. 1re, 15 févr. 2023, n° 21-14.951, 123 F-D) – Il résulte de la combinaison des articles 16, 1072-1, 1187 et 1187-1 du code de procédure civile que le juge aux affaires familiales ne peut fonder sa décision concernant l’autorité parentale sur les pièces du dossier d’assistance éducative communiquées à sa demande par le juge des enfants, quand les parties à la procédure figurent parmi celles qui ont qualité pour accéder à ce dossier, que s’il les soumet au débat contradictoire.

Viole ces textes une cour d’appel qui, pour fixer la résidence habituelle de l’enfant chez sa mère, se fonde sur les éléments du dossier d’assistance éducative communiqué par le juge des enfants pendant le délibéré, sans avoir ni invité les parties à formuler, dans un certain délai, leurs observations en cours de délibéré, ni ordonné la réouverture des débats.

NB – Voici réaffirmé haut et fort, et sanctionné sévèrement, le principe du contradictoire qui s’impose au juge autant qu’aux plaideurs (V. Civ. 1re, 29 sept. 2021, n° 19-24.670,  AJ fam. 2021. 627, obs. B. Mallevaey). 

Nul doute que le juge aux affaires familiales n’oubliera pas, à l’avenir, de solliciter les parties pour leurs observations avant de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale s’il entend se servir des éléments du dossier d’assistance éducative auquel les parties peuvent avoir accès. 

Il faut se réjouir de cette décision qui, si elle n’est pas nouvelle, conserve toute sa vigueur par la force du principe qu’elle énonce ! 

Nathalie Rouxel-Chevrollier

 

  • Autorité parentale

Conditions de la mise en place d’une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial (Civ. 1re, 15 févr. 2023, n° 21-18.596, 115 F-D) –  Justifie légalement sa décision de renouveler la mesure d’aide à la gestion du budget familial une cour d’appel qui  relève que, si l’endettement locatif de M. et Mme [O] avait été résorbé, la famille demeurait occupante sans droit ni titre du logement social loué à la mère de M. [O], que ceux-ci ne permettaient pas l’accès aux informations financières les concernant et faisaient obstacle à toute visite au domicile de sorte que les besoins des enfants ne pouvaient être évalués et que le versement des allocations d’éducation d’enfant handicapé au bénéfice des deux plus jeunes enfants était suspendu, faute pour les parents d’avoir accompli les démarches et transmis les documents nécessaires, malgré l’existence de fonds disponibles importants. 

La cour a en effet fait ressortir, d’une part, que les prestations familiales n’étaient pas employées pour les besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants, d’autre part, qu’une mesure d’accompagnement en économie sociale et familiale n’aurait pas été suffisante, si bien qu’elle a pu en déduire que les conditions énoncées à l’article 375-9-1 du code civil en vue de la mise en place d’une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial étaient réunies.

 

Maintien des relations grands-parents/petits-enfants après audition de ces derniers : le juge n’a pas pas à préciser qu’il a pris en considération les sentiments exprimés (Civ. 1re, 15 févr. 2023, n° 21-18.498, 114 F-D) – Justifie légalement sa décision d’accorder un droit de correspondance et un droit d’accueil aux grands-parents paternels de l’enfant afin de ne pas supprimer irrémédiablement tout rattachement des trois enfants à leur lignée paternelle au seul motif de l’absence de lien entre la mère des enfants et ses beaux-parents une cour d’appel qui se prononce ainsi après avoir constaté que l’enfant avait été entendu par une des conseillères, et qui n’était tenue ni de préciser la teneur des sentiments exprimés par l’enfant lors de son audition ni qu’elle avait pris en considération les sentiments exprimés par celui-ci.

 

  • Divorce

En cas d’acquiescement, la demande de prestation compensatoire s’apprécie à la date du second acquiescement et non à une date postérieure  (Civ. 1re, 15 févr. 2023,  n° 21-22.134, 113 F-D) – Viole l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis une cour d’appel qui, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de l’épouse, énonce que le mari a acquiescé au jugement le 5 avril 2020, date à laquelle, le jugement de divorce étant définitif, doit s’apprécier l’éventuelle disparité entre les conditions de vie respectives des époux, alors que l’acte d’acquiescement était daté du 5 avril 2019.

NB – V. not. Civ. 1re, 31 mars 2010, n° 09-12.770 ; Civ. 1re, 23 juin 2021, n° 20-12.836. On a le sentiment dans cette affaire que le magistrat a juste fait une erreur de millésime. Mais qui pouvait évidemment tout changer !

 

  • État civil

L’acte de naissance malgache établi en contrariété avec l’article 27 de la loi malgache n° 61-025 du 9 octobre 1961 ne peut être transcrit dans les registres de l’état civil français (Civ. 1re, 15 févr. 2023, n° 21-21.596, 128 F-D) – Aux termes de l’article 47 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021, l’acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

En l’occurrence, une femme, se disant née le 30 avril 1998 à Andapa (Madagascar), a assigné le ministère public en transcription de son acte de naissance sur les registres de l’état civil français. Ce qui lui fut refusé.

D’une part, il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions de l’intéressée que celle-ci ait soutenu devant la cour d’appel qu’en présence d’autres actes ou données extérieures de nature à pallier le caractère approximatif de la conformité de l’acte de naissance aux règles régissant l’état civil à Madagascar, l’application stricte de ce texte porterait atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Conv. EDH.

D’autre part, ayant relevé que son acte de naissance, dressé à Madagascar, ne comportait ni la signature du déclarant ni celle de l’officier d’état civil qui l’avait établi, de sorte qu’il n’était pas conforme aux énonciations qu’il comportait et qu’il avait été établi en contrariété avec l’article 27 de la loi malgache n° 61-025 du 9 octobre 1961 relative aux actes d’état civil, la cour d’appel a estimé souverainement que cet acte, dont le défaut intrinsèque n’était pas pallié par les attestations produites, ne faisait pas foi au sens de l’article 47 du code civil, de sorte qu’il ne pouvait pas être transcrit dans les registres de l’état civil français.

Le moyen, qui est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa première branche et qui est inopérant comme critiquant un motif surabondant en sa seconde branche, ne peut donc être accueilli.

NB – v. égal. les décisions du même jour n° 21-21.594 et 21-21.595.

 

  • Filiation

Irrecevabilité de l’action en recherche de paternité de l’enfant  qui ne démontre pas l’impossibilité dans laquelle il s’était trouvé de voir sa filiation paternelle judiciairement établie en agissant dans le délai légal de prescription (Civ. 1re, 15 févr. 2023, n° 21-18.427, 124 F-D) –  Aux termes de l’article 321 du code civil, sauf lorsqu’elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté. À l’égard de l’enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité.

Après avoir constaté qu’un enfant, né le 10 août 1956, avait introduit une action en recherche de paternité avec sa mère le 5 février 2019, soit plus de quarante-quatre ans après ses dix-huit ans, et relevé qu’une première instance engagée par la mère avait donné lieu à un jugement du tribunal civil de la Seine du 18 février 1957, ayant déclaré celle-ci irrecevable en sa demande en déclaration de paternité et condamné le prétendu père à lui payer des subsides jusqu’à la majorité de l’enfant, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d’appel, qui ne pouvait examiner que les seuls documents produits devant elle et n’était pas tenue de répondre à des allégations dépourvues d’offre de preuve, a retenu que l’enfant ne démontrait pas l’impossibilité dans laquelle il s’était trouvé de voir sa filiation paternelle judiciairement établie en agissant dans le délai légal de prescription, de sorte qu’il n’était porté aucune atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

La cour d’appel n’a pu qu’en déduire que l’action était irrecevable comme prescrite.

 

  • Mineurs/Enlèvement international d’enfant

La législation polonaise qui permet d’obtenir la suspension pendant deux mois sans justification d’une décision définitive de retour d’un enfant est contraire au droit de l’Union européenne (CJUE, 16 févr. 2023,  Rzecznik Praw Dziecka e.a., n° C-638/22 PPU) – L’impératif d’efficacité et de célérité qui régit l’adoption d’une décision de retour d’un enfant s’impose également dans le cadre de l’exécution d’une telle décision. L’article 11, § 3, du Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit “Bruxelles II bis”, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’oppose à une législation nationale conférant à des autorités n’ayant pas la qualité de juridiction la faculté d’obtenir la suspension de plein droit sans motivation, pendant une durée d’au moins deux mois, de l’exécution d’une décision de retour rendue sur la base de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Comme l’observe la Cour, une suspension d’une durée de deux mois de l’exécution d’une décision de retour définitive excède, à elle seule, le délai dans lequel, conformément à ladite disposition du règlement n° 2201/2003, cette décision doit être adoptée.

NB – Cette décision sera prochainement commentée par Alexandre Boiché dans les colonnes de l’AJ famille. En attendant, vous pouvez lire le communiqué de presse.

La décision de restituer un enfant enlevé à son père résidant aux États-Unis n’est pas contraire aux droits de la mère au titre de la Conv. EDH (CEDH, 21 févr. 2023, G. K. c/ Chypre, n° 16205/21) – Les juridictions internes n’ont pas ordonné le retour de l’enfant de manière automatique mais ont examiné tous les arguments des parties et rendu des décisions détaillées qui, selon elles, préservaient l’intérêt supérieur de l’enfant et excluaient tout risque grave pour lui. Dans l’ensemble, le processus de prise de décision n’a pas enfreint les exigences procédurales inhérentes à l’article 8 de la Convention EDH, et la requérante n’a pas subi une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée. La Cour souligne que le but de la Convention de La Haye est de ne pas permettre au parent ravisseur de tirer un bénéfice de sa propre faute.

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