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Veille jurisprudentielle : divorce/voies d’exécution/fiscalité, majeurs protégés, partenariats, successions

30/01/2023

Jurisprudence3J’ai relevé quatre arrêts rendus la semaine dernière :

  • divorce
  • majeurs protégés
  • partenariats
  • succession

  • Divorce

Une demande de décharge de solidarité fiscale n’est pas de nature à interdire la poursuite de la saisie : rejet de la demande de sursis à statuer (Com. 25 janv. 2023, n° 21-17.430, 69 F-D)  – En application de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, les contestations et demandes incidentes soulevées après l’audience d’orientation du juge de l’exécution ne sont recevables que si elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière postérieurs à cette audience ou si, nées de circonstances postérieures à celle-ci, elles sont de nature à interdire la poursuite de la saisie.

Il résulte de l’article 1691 bis du code général des impôts que les époux sont tenus solidairement au paiement, à moins d’être déchargés de cette obligation par l’administration fiscale.

En l’occurrence, le 18 janvier 2018, l’administration fiscale a délivré à un époux et à son épouse, mariés sous le régime de la séparation de biens, un commandement de payer valant saisie immobilière du bien dont ils sont propriétaires indivis, chacun pour ce qui le concerne dans la proportion de ses droits dans l’indivision, afin d’obtenir le paiement d’une dette fiscale. Le 22 mars 2018, le comptable public les a assignés à l’audience d’orientation d’un juge de l’exécution afin de parvenir à la vente du bien immobilier en cause. Par jugement du 22 novembre 2018, le juge de l’exécution a constaté que l’administration fiscale était titulaire d’une créance liquide et exigible et agissait en vertu d’un titre exécutoire dans le respect des dispositions de l’article L. 311-2 du code des procédures civiles d’exécution. Il a rejeté les contestations émises par les époux et les a autorisés à poursuivre la vente amiable de l’immeuble saisi, dans les conditions prévues aux articles R. 322-20 à R. 322-26 du même code. Le 10 octobre 2019, une ordonnance de non-conciliation a été rendue au cours de l’instance en divorce introduite par les époux par requête du 29 avril 2019. L’épouse sollicite le sursis à statuer dans l’attente de la décision de l’administration fiscale sur sa demande de décharge de la solidarité fiscale qu’elle a présentée en 2020. Or, ce faisant, elle se bornait à faire état d’une demande de décharge et ne se prévalait pas d’une décision de désolidarisation accordée par l’administration fiscale, de sorte que, faute d’établir l’existence d’un acte de la procédure de saisie immobilière postérieur à l’audience d’orientation ou une circonstance postérieure à celle-ci de nature à interdire la poursuite de la saisie, sa demande de sursis à statuer était irrecevable.

NB – A noter que, dans cette même affaire, la Cour de cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité des époux relative au I de l’article 1691 bis du code général des impôts, aux motifs qu’elle était irrecevable dès lors qu’elle était sans incidence sur la solution du litige (Com, QPC, 15 déc. 2021, n° 21-17.430).

  • Majeurs protégés

Nomination du tuteur ou du curateur : obligation pour le juge de prendre en considération les sentiments exprimés par le majeur protégé (Civ. 1re, 25 janv. 2023, n° 21-14.636, 65 F-D) – Selon l’article 449, alinéa 3, du code civil, le juge des tutelles qui nomme le tuteur ou le curateur prend en considération les sentiments exprimés par le majeur protégé.

Il résulte des articles 1244, 1244-1 et 1245, alinéa 4, du code de procédure civile que, en cas d’appel d’une décision du juge des tutelles, le greffe de la cour convoque, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les personnes auxquelles la décision a été notifiée et, à l’audience, la cour entend le majeur à protéger ou protégé, sauf application des dispositions du second alinéa de l’article 432 du code civil.

Viole ces textes la cour d’appel qui rejette la demande de modification de la personne désignée en qualité de tuteur, sans faire application des dispositions du second alinéa de l’article 432 du code civil, alors qu’il ressort des pièces de la procédure que la personne protégée, qui n’était ni comparante, ni représentée, n’avait pas été régulièrement convoquée à l’audience pour y être entendue et n’avait donc pas été mise en mesure d’exprimer ses sentiments.

NB – V. not. Civ. 1re, 22 juin 2022, n° 20-10.217.

  • Partenariat

Pension de réversion : la disposition nouvelle prévoyant de nouvelles conditions d’éligibilité pour les partenaires devait prévoir un régime transitoire (CEDH, 26 janv. 2023, Valverde Digon c/ Espagne, n° 22386/19) – En l’occurrence, le partenaire de Mme Valverde Digon décéda en juillet 2014, trois jours après l’enregistrement de leur partenariat civil. L’obligation d’avoir enregistré les partenariats civils au moins deux ans avant le décès de l’un des partenaires pour avoir droit à une pension de réversion n’était entrée en vigueur que trois mois avant le décès en question. Or, la requérant s’est vue refuser l’octroi d’une pension de réversion par l’Institut national de la sécurité sociale. Et les tribunaux ont jugé qu’un partenariat devait impérativement être enregistré deux ans au moins avant le décès du partenaire.

Saisie du litige la CEDH observe que la mesure litigieuse, bien que visant à éliminer une différence de traitement antérieure à laquelle le législateur devait remédier, n’a pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts en jeu. La requérante n’aurait pas dû être obligée de « faire l’impossible » pour avoir droit à la pension de réversion. Aucune urgence particulière ne justifie le refus d’envisager un régime transitoire, une telle absence ayant eu pour conséquence de priver la requérante de sa confiance légitime dans le fait qu’elle recevrait une pension de réversion. Une ingérence aussi fondamentale dans les droits du requérant est disproportionnée et incompatible avec la préservation d’un juste équilibre entre les intérêts en jeu.  Il y a donc eu violation de l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) à la Convention européenne des droits de l’homme. Le refus des autorités internes d’accorder à la requérante une pension de réversion était fondé sur une application imprévisible d’une nouvelle condition d’éligibilité impossible à satisfaire par la requérante.

NB – V. déjà CEDH, 19 janv. 2023, Domenech Aradilla et Rodríguez González c/ Espagne, n° 32667/19 et 30807/20, brève du 20 janvier 2023.

  • Succession

Pacte d’actionnaire et pacte sur succession future :  rejet de la demande en nullité de l’entier pacte d’actionnaire (Civ. 1re, 25 janv. 2023, n° 19-25.478, 57 FS-B) – Aux termes de l’article 722 du code civil, les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.

Lorsque la nullité en résultant n’affecte qu’une ou plusieurs clauses de l’acte, elle n’emporte sa nullité en son entier que si cette ou ces clauses en constituent une condition essentielle et déterminante.

En l’occurrence, la cour d’appel a retenu que, si l’article 5 du pacte d’actionnaires énonçait une disposition relative à un bien futur de la succession du défunt dans la mesure où elle prévoyait les modalités de remboursement de son compte courant d’actionnaire lors de l’ouverture de sa succession, ce pacte ne portait pas, en ses autres dispositions, sur les biens meubles ou immeubles de cette succession, mais avait pour objectif de définir la stratégie de gestion que devraient adopter ses héritiers lorsque le défunt se serait retiré des affaires ou serait décédé, afin de pérenniser le groupe S…et de préserver les intérêts de chacun d’entre eux.

Elle a relevé que l’examen des quatorze autres articles de ce pacte démontrait que celui-ci traitait notamment de la stratégie d’entreprise, de la responsabilité des descendants, de la rémunération des mandats sociaux, de la prise de décisions collectives, de l’embauche de certains collaborateurs, du fonctionnement des holdings familiales, de la cession des actions entre descendants, des droits sociaux dérivés, de la politique de distribution des dividendes, des engagements de non-concurrence, des droits de préférence, de l’arbitrage et de la médiation en cas de mésentente entre descendants.

Elle a estimé que, dans ce contexte, l’article 5 n’avait été conçu que comme une des mesures de gestion de la société au décès de l’associé.

Ayant ainsi fait ressortir que l’article 5 n’était pas un élément essentiel du pacte d’actionnaire, déterminant de l’engagement des parties, la cour d’appel n’a pu qu’en déduire que la demande de nullité du pacte en son entier devait être rejetée.

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