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Sélection jurisprudentielle de la semaine : divorce/mineur, mariage, nom/prénom, partenariat et succession

20/01/2023

Jurisprudence3Voici les cinq décisions relevées cette semaine :

  • divorce/mineur
  • Mariage
  • Nom/prénom
  • Partenariat
  • Succession

  • Divorce/Mineur

Indemnisation de l’enfant de la victime divorcée du père débiteur d’une contribution à l’entretien et à l’éducation (Civ. 2e, 19 janv. 2023, n° 21-12.264, 70 FS-B) – Le préjudice économique d’un enfant résultant du décès d’un de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, ces circonstances étant sans incidence sur leur obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci.

Il en résulte qu’en cas de décès du parent chez lequel vivait l’enfant, le préjudice économique subi par ce dernier doit être évalué en prenant en considération, comme élément de référence, les revenus annuels de ses parents avant le décès, en tenant compte, en premier lieu, de la part d’autoconsommation de chacun d’eux et des charges fixes qu’ils supportaient dans leur foyer respectif, et, en second lieu, de la part de revenu du parent survivant pouvant être consacrée à l’enfant.

Pour dire n’y avoir lieu d’indemniser la fille aînée de la victime (alors âgée de 22 ans) au titre d’un préjudice économique, la cour d’appel a d’abord rappelé que, si le décès de leur mère, victime d’un assassinat, met un terme à la pension alimentaire que lui versait son ex-époux de son vivant pour l’entretien de leur fille, l’obligation alimentaire du père, qui en était le fondement juridique, survit [au] décès de la mère jusqu’à la majorité économique de l’enfant, sans qu’il y ait lieu de s’attacher au défaut d’appartenance du père au foyer fiscal dont relevaient la victime et leur fille à la date du décès ou à l’évolution des revenus du père postérieurement à cette date. Elle a ensuite constaté que, depuis le transfert du lieu de sa résidence chez son père, le revenu disponible pour la fille aînée avait doublé.

En statuant ainsi, en comparant la part des revenus de la mère, incluant la pension alimentaire versée par son père, qui pouvait être dédiée à son entretien et à son éducation, avec le montant que ce dernier pouvait lui consacrer après le décès, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

  • Mariage

Refus du mariage homosexuel : la Russie condamnée par la CEDH (CEDH, 17 janv. 2023, Fedotova et autres c/ Russie, n° 40792/10, 30538/14 et 43439/14) – La protection de la famille traditionnelle ne peut justifier l’absence de toute forme de reconnaissance et de protection juridiques des couples de même sexe.

L’affaire concerne le refus des autorités russes –  qui ne sont plus membres du Conseil de l’Europe depuis le 16 mars 2022 et, par ailleurs, plus partie à la Convention depuis le 16 septembre 2022 – , de reconnaître et de protéger juridiquement les couples de même sexe formés par les requérants. Dans le cas d’espèce, les faits sur lesquels se fondent les violations de la Convention alléguées par les requérants se sont produits avant le 16 septembre 2022. Les requêtes ayant été introduites en 2010 et 2014 devant la Cour, celle-ci est compétente pour en connaître.

Communiqué de la Cour – “Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 8 de la Convention a déjà été interprété comme imposant à un État partie la reconnaissance et la protection juridiques des couples de même sexe par la mise en place d’un « cadre juridique spécifique ». La tendance nette et continue en faveur de la reconnaissance et de la protection juridiques des couples de même sexe, observée au sein des États parties, se voit consolidée par les positions convergentes de plusieurs organes  internationaux.
Plusieurs organes du Conseil de l’Europe ont souligné la nécessité d’assurer la reconnaissance et la protection juridiques des couples de même sexe au sein des États membres.
La Cour observe qu’au moment où les requérants ont entrepris leurs démarches devant les autorités russes en vue d’obtenir la reconnaissance légale de leur couple, le droit russe ne permettait pas cette possibilité. Ce droit n’a aucunement évolué postérieurement. La Cour note que l’État défendeur n’a pas émis, devant elle, l’intention de modifier son droit interne en vue de permettre aux couples de même sexe de bénéficier d’une reconnaissance officielle et d’un régime de protection. La Cour a déjà écarté l’argument du Gouvernement selon lequel la majorité des Russes désapprouvent l’homosexualité, dans des affaires en matière de liberté d’expression, de réunion ou d’association des minorités sexuelles. La Cour a tenu à rappeler à maintes reprises que, bien qu’il faille parfois subordonner les intérêts d’individus à ceux d’un groupe, la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre qui assure aux individus minoritaires un traitement juste et qui évite tout abus d’une position dominante. La Cour a constamment refusé d’avaliser des politiques et des décisions qui incarnent un préjugé de la part d’une majorité hétérosexuelle à l’encontre d’une minorité homosexuelle.
La Cour conclut que l’État défendeur a outrepassé sa marge d’appréciation et a manqué à son obligation positive de garantir le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale.”

  • Nom/prénom

Suppression de la particule “von” en application de la loi autrichienne sur l’abolition de la noblesse autrichienne : violation de l’article 8 de la Conv. EDH (CEDH, 17 janv. 2023, Künsberg Sarre c/ Autriche,  n° 19475/20) – La suppression par les autorités autrichiennes de la particule nobiliaire “von” des patronymes d’origine des requérants après de longues périodes d’usage préalablement accepté et le refus de délivrer une carte d’identité portant ce patronyme ne sont pas proportionnées au but poursuivi par les autorités. Dès lors, en négligeant l’intérêt des requérants à conserver un nom de famille auquel ils s’identifiaient et qu’ils avaient porté pendant de (très) longues périodes, les autorités et juridictions internes n’ont pas ménagé un juste équilibre avec le droit des requérants au respect de leur leur vie privée et familiale.

  • Partenariat

Refus d’octroyer des pensions de réversion aux deux requérantes : violation de l’article 1 du Protocole n° 1 (CEDH, 19 janv. 2023, Domenech Aradilla et Rodríguez González c/ Espagne, n° 32667/19 et 30807/20)  – Du fait d’une décision d’inconstitutionnalité de la Cour constitutionnelle espagnole visant à corriger une différence de traitement – décision du 21 mai 2012 publiée le 10 avril 2014–, il est désormais exigé la constitution d’un partenariat au moins deux ans avant le décès de l’un des partenaires pour que l’autre partenaire soit éligible à une pension  de réversion. Seulement, la Cour estime que la mesure litigieuse, bien que visant à éliminer une différence de traitement antérieure à laquelle le législateur devait remédier, n’a pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts en jeu. Dès lors, le but par ailleurs légitime des mesures litigieuses ne saurait, selon la Cour, justifier leur effet rétroactif, portant atteinte à la sécurité juridique, et l’absence de mesures transitoires assurant un juste équilibre entre les intérêts en jeu. Les mesures litigieuses ont eu pour conséquence de priver les requérantes, dont les partenaires sont décédés avant la publication de la décision d’inconstitutionnalité, de leur espérance légitime de percevoir des pensions de réversion. Une ingérence aussi fondamentale faisait peser une charge excessive sur les requérants.

  • Succession

Le manquement du notaire et de l’avocat à leur devoir de conseil n’induit pas nécessairement un préjudice (Civ. 1re, 11 janv. 2023, n° 21-18.247, 29 F-D) – Il résulte de l’article 1382, devenu 1240, du code civil que la circonstance qu’un professionnel du droit ait manqué à son devoir d’information n’implique pas nécessairement qu’il en résulte un préjudice et que seule la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable constitue une perte de chance réparable.

Après avoir retenu le manquement de la notaire et de l’avocate à leur devoir de conseil – l’évaluation des parts de la société n’ayant  pas été réalisée conformément aux dispositions de l’article 860 du code civil, ce qui a eu pour conséquence de diminuer la somme à rapporter à la succession par le petit-fils venant en représentation de son père au titre des parts reçues en donation le 21 septembre 1999 et cédées le 31 août 2007 et de majorer celle que son oncle devait rapporter à la succession –, une cour d’appel énonce que le partage transactionnel résulte d’un équilibre global entre les exigences respectives des héritiers d’une succession ouverte dix ans auparavant, que le petit-fils n’aurait pas accepté l’application de l’article 860 du code civil sans exiger de concessions de la part de son oncle, au titre de la valorisation des meubles qui n’avaient pas été inventoriés, des intérêts légaux dus sur les sommes que celui-ci avait été condamné à régler à la succession et au titre des dividendes sur ses parts sociales, sans qu’il soit démontré que son copartageant aurait été tenu à un tel rapport pour les actions qu’il avait revendues, et que l’oncle ne souhaitait pas un partage judiciaire qui aurait immobilisé ses parts sociales. Elle en déduit qu’il n’est pas démontré que, pleinement informé du contenu des dispositions de l’article 860 du code civil, l’oncle n’aurait pas signé l’acte de partage du 15 juillet 2010, compte tenu de l’aléa que présentait en particulier pour lui un partage judiciaire à l’occasion duquel son cohéritier disposait de nombreux arguments à faire valoir. La cour d’appel a pu en déduire que la perte de chance, pour l’oncle, d’obtenir un partage plus avantageux, n’était pas caractérisée.

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