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Actualité jurisprudentielle de la semaine : divorce, libéralités, mineurs, majeurs protégés et successions

11/06/2022

Jurisprudence3Voici l’actualité jurisprudentielle que j’ai relevée cette semaine et la semaine dernière pour ces matières :

  • divorce
  • libéralités
  • majeurs protégés
  • mineurs
  • successions

  • DIVORCE

Refus de renvoi d’une QPC à propos du paiement de la pension alimentaire au titre du devoir de secours jusqu’à la dissolution du mariage (Crim. 18 mai 2022, n° 21-86.978, 00745 F-D) – Il était demandé à la Chambre criminelle de la Cour de cassation le renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité :

Les articles 254, 260, 2°, et 270, alinéa 1er, du code civil, tels qu’interprétés par la jurisprudence, qui subordonnent la cessation du versement d’une pension alimentaire au caractère définitif du divorce, ne portent-ils pas atteinte : 1.  au droit de propriété ; 2. au principe d’égalité entre les époux débiteurs d’une pension alimentaire dont le divorce est acquis ? D’une part, parce qu’ils imposent à l’époux débiteur d’une pension alimentaire de continuer à verser cette pension en cas d’appel des dispositions du jugement relatives au prononcé du divorce, même lorsque le principe du divorce est acquis et ne peut plus être remis en cause par le juge d’appel, et ce jusqu’à l’intervention de son arrêt ; d’autre part, en laissant le seul époux dont le prononcé du divorce a fait l’objet d’un recours débiteur d’une pension alimentaire, même lorsque le principe du divorce ne peut plus être remis en cause par le juge d’appel, et ce jusqu’à l’intervention de son arrêt.

La Cour de cassation s’y refuse aux motifs que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux :

  • d’une part, le paiement d’une pension alimentaire, dont le principe est prévu par la loi et le montant est fixé par le juge, compte tenu des circonstances particulières de chaque affaire, intervient en exécution du devoir de secours, qui naît du mariage et ne disparaît qu’avec lui, conformément au principe constitutionnel de garantie de la sécurité matérielle de l’individu et de la famille, affirmé par le Préambule de la Constitution de 1946 ;
  • d’autre part, la poursuite de ce paiement jusqu’à la dissolution du mariage ne méconnaît pas le principe d’égalité, car les débiteurs d’une pension alimentaire qui se trouvent dans une même situation au regard d’une procédure de divorce sont tenus des mêmes obligations contributives.

 

  • LIBÉRALITÉS

Libéralités faites à un auxiliaire médical : renvoi d’une QPC au Conseil constitutionnel (Civ. 1re, 24 mai 2022, n° 22-40.005, 521 FS-D) –  « Les dispositions de l’article 909, alinéa 1er du code civil, qui interdisent à une personne de gratifier les auxiliaires médicaux qui lui ont procuré des soins au cours de sa dernière maladie, sont-elles contraires aux articles 2, 4, 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ce qu’elles portent atteinte au droit de disposer librement de ses biens en dehors de tout constat d’inaptitude du disposant ? »

La question présente un caractère sérieux en ce que, ayant pour conséquence de réduire le droit de disposer librement de ses biens de la personne soignée pour la maladie dont elle meurt hors tout constat d’inaptitude de celle-ci, l’article 909, alinéa 1er, du code civil serait susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

NB : on fera évidemment le rapprochement avec la décision du Conseil qui, le 12 mars 2021, a déclaré inconstitutionnelle l’incapacité de recevoir à titre gratuit des auxiliaires de vie du  2 ° de l’article L. 7231-1 du code du travail (v. Cons. const., 12 mars 2021, n° 2020-888 QPC, AJ fam. 2021. 230, obs. D. Pollet et J. Casey).

  • MAJEURS PROTÉGÉS

Le juge ne peut supprimer le droit de vote du majeur sous tutelle (Civ. 1re, 18 mai 2022, n° 20-22.876, 333 F-D) – Aux termes de l’article L. 72-1, alinéa 1er, du code électoral, le majeur protégé exerce personnellement son droit de vote pour lequel il ne peut être représenté par la personne chargée de la mesure de protection le concernant. Viole ce texte l’arrêt qui supprime le droit de vote de la majeure placée sous tutelle.

NB – Nous rappellerons qu’en abrogeant l’art. L. 5 c. élect., la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a mis fin à la possibilité donnée au juge, lors de l’ouverture ou du renouvellement d’une mesure de tutelle, de se prononcer sur la capacité électorale du majeur protégé (É. Pecqueur, Sort des majeurs protégés dans la réforme, AJ fam. 2019. 266 ; Ch. Gamaleu Kameni, Brèves réflexions sur le droit de vote des majeurs protégés au regard de la loi du 23 mars 2019, AJ fam. 2019. 515. – v. égal. CEDH 15 févr. 2022, n° 26081/17, AJ fam. 2022. 165, obs. É. Bertin).

  • MINEURS

Enlèvement international et délit de soustraction de mineur (Crim, 1er juin 2022, n°  21-81.813, n° 00577 F-B) – Pour dire établi le délit de soustraction de mineur à l’encontre d’une mère qui, pour sa défense, objectait que le père n’avait ni droit de garde, ni autorité parentale à l’égard de l’enfant,  une cour d’appel énonce que la mère ne pouvait ignorer le sens de la décision rendue par la juridiction bordelaise, qui avait refusé d’ordonner le retour de l’enfant en Turquie.  Les juges relèvent qu’à la date des faits, alors que le juge aux affaires familiales avait admis la compétence du juge turc, aucune décision française n’avait reconnu au père l’autorité parentale sur l’enfant.  Ils ajoutent que depuis la fuite de Turquie de son père, en décembre 2012, son fils mineur résidait chez ce dernier en France (en octobre 2015, le tribunal d’Istanbul a prononcé le divorce et accordé la garde de l’enfant à la mère ; le père a relevé appel de ce jugement). Ils concluent que les éléments constitutifs de l’infraction, consistant à soustraire l’enfant mineur des mains de son père chez qui il avait sa résidence habituelle, sont caractérisés, ainsi que la circonstance aggravante.  En l’état de ces seuls motifs, la cour d’appel a justifié sa décision.

  • SUCCESSIONS

Conditions de validité de la déclaration de renonciation à succession faite devant la juridiction de l’État membre dans lequel l’héritier a sa résidence habituelle (CJUE, 2 juin 2022 aff. C‑617/20, T.N.) – Les articles 13 et 28 du Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 dit “Successions” doivent être interprétés en ce sens qu’une déclaration concernant la renonciation à la succession faite par un héritier devant une juridiction de l’État membre de sa résidence habituelle est considérée comme valable quant à la forme dès lors que les exigences de forme applicables devant cette juridiction ont été respectées, sans qu’il soit nécessaire, aux fins de cette validité, qu’elle remplisse les exigences de forme requises par la loi applicable à la succession.

Point de départ des intérêts des sommes données sujettes à rapport (Civ. 1re, 18 mai 2022, n° 20-20.117, 409 F-D) – Selon l’article 856, alinéa 2, du code civil, les intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu’à compter du jour où le montant du rapport est déterminé. Il en résulte que, lorsque le montant du rapport est fixé par l’acte de donation à la valeur du bien au jour de la donation, les intérêts courent à compter du jour du décès.

Pour dire que les intérêts sur les sommes de 38 200 euros et 1 555 euros rapportables par le fils du couple décédé au titre des donations des 23 mars 2001 et 19 juillet 2005 courront au taux légal à compter de la date où il est rendu, l’arrêt, après avoir fixé, au regard des stipulations dérogatoires de ce second acte, la valeur sujette au rapport à celle des biens donnés au 19 juillet 2005, retient que le montant du rapport est déterminé à cette date. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le montant du rapport avait été fixé par l’acte de donation du 19 juillet 2005 à la valeur des biens au jour de la donation, de sorte que les intérêts sur les sommes données étaient dus à compter du 1er avril 2009, date du décès du donateur, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

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