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Actualité jurisprudentielle de la semaine : administration légale, autorité parentale, filiation et libéralités

25/03/2022

Jurisprudence3Voici les décisions que j’ai relevées cette semaine :

  • administration légale
  • autorité parentale
  • filiation
  • libéralité

 

  • ADMINISTRATION LÉGALE

L’homologation d’une transaction faite sans l’autorisation préalable du juge des tutelles ne peut être contestée que par le mineur ou son représentant (Civ. 1re, 16 mars 2022 n° 21-11.958, 254 F-D) – Selon l’article 387-1 du code civil, l’administrateur légal ne peut, sans l’autorisation préalable du juge des tutelles, transiger au nom du mineur, le non-respect de cette formalité étant sanctionné par une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le mineur ou son représentant. Dès lors, le juge de l’homologation du protocole litigieux n’a pas le pouvoir d’examiner une contestation tirée de l’absence d’une telle autorisation et formée par une autre partie.

Or, ici, la cour d’appel a relevé que le défaut d’autorisation du juge des tutelles pour agir au nom des enfants mineurs avait été invoqué par des personnes non visées par ce texte. Il en résulte que l’ordonnance ne pouvait être rétractée pour ce motif.

 

  • AUTORITÉ PARENTALE

Compétence du tribunal administratif pour juger du recours contre les décisions d’admission à l’aide sociale au titre de la prise en charge des dépenses d’un mineur confié à un tiers digne de confiance par l’autorité judiciaire (TC, 14 mars 2022, 4238 ) – Les recours contre les décisions relatives à l’admission à l’aide sociale relèvent de la juridiction administrative même en présence d’obligés alimentaires. Le tribunal des conflits en déduit qu’il incombe à la juridiction administrative de statuer sur une demande contestant la décision de refus d’admission à l’aide sociale au titre de la prise en charge des dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite d’un mineur confié à un tiers digne de confiance par l’autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil. Il en résulte que la requête en annulation de la décision du département d’accorder à la grand-mère de l’enfant une indemnité au titre de l’article L. 228-3 du code de l’action sociale et des familles à la suite du placement auprès d’elle de sa petite fille mineure par décision du juge des enfants relève de la compétence de la juridiction administrative. 

NB – Cette décision sera prochainement commentée à l’AJ famille par Manon Illy.

 

Non-représentation d’enfant : condamnation d’une mère, qui n’a pas respecté le droit de visite du père, sur le fondement de l’article 132-15, 17°, du code pénal (Crim, 23 mars 2022, n° 21-80.885, n° 00353 F-B) –  En l’occurrence, une mère fait grief à une cour d’appel de l’avoir condamnée à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans, avec obligation de remettre son enfant entre les mains du père auquel la garde a été confiée par décision de justice alors que selon elle, si l’article 132-45, 17°, du code pénal prévoit à titre d’obligation dans le cadre du sursis probatoire, l’obligation de remettre l’enfant au parent qui en a la garde, il ne prévoit aucune obligation en ce qui concerne l’exercice d’un simple droit de visite. En vain. Les décisions statuant sur le droit de visite et d’hébergement de l’un des parents entrent dans les prévisions de l’article 132-45, 17°, du code pénal.

 

  • FILIATION

Refus de reconnaître un lien de filiation entre un enfant et l’ex-compagne de sa mère biologique : absence de violation de l’article 8 de la Conv. EDH (CEDH, 24 mars 2022, C. E. et a. c/ France,29775/18 et 29693/19) – L’arrêt porte sur deux affaires :

. la première concerne le rejet par les juridictions internes de la demande visant à l’adoption plénière d’un enfant par l’ancienne compagne de sa mère biologique (Civ. 1re, 28 févr. 2018, n° 17-11.069, AJ fam. 2018. 226, obs. M. Saulier) ;
. la seconde concerne le refus des juridictions internes de délivrer un acte de notoriété établissant la filiation, par possession d’état, entre un enfant et l’ancienne compagne de sa mère biologique (TGI Rennes, 20 déc. 2018).

La Cour souligne qu’il existe, en France, des instruments juridiques permettant d’obtenir une reconnaissance de la relation entre un enfant et un adulte. Ainsi, la mère biologique de l’enfant peut obtenir du juge le partage de l’exercice de l’autorité parentale avec sa compagne ou son ex-compagne. Si une telle décision n’entraîne pas l’établissement d’un lien juridique de filiation entre celle-ci et l’enfant, elle a néanmoins pour effet de l’autoriser à exercer à son égard des droits et des devoirs qui se rattachent à la parentalité et aboutit ainsi, dans une certaine mesure, à une reconnaissance en droit de leur relation.

Dans ces deux affaires, les requérantes invoquaient une atteinte à l’article 8 de la Convention, grief que la Cour a examiné sous l’angle de l’obligation positive des États parties de garantir aux personnes relevant de leur juridiction le respect effectif de leur vie privée et familiale.

En premier lieu, après avoir relevé que, depuis la séparation des couples, malgré l’absence de reconnaissance juridique d’un lien de filiation entre les enfants concernés et les requérantes, les intéressés avaient mené une vie familiale comparable à celle de la plupart des familles après la séparation du couple parental, la Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu violation du droit au respect de la vie familiale.

La Cour a recherché, en second lieu, si les refus litigieux avaient porté atteinte au droit au respect de la vie privée. Ce faisant, elle a d’abord souligné que, dans des situations telles que celles des requérants, il existe, en France, des instruments juridiques permettant d’obtenir une reconnaissance de la relation existant entre un enfant et un adulte. Ainsi, la mère biologique de l’enfant peut obtenir du juge le partage de l’exercice de l’autorité parentale avec sa compagne ou son ex-compagne, ce qui avait été le cas dans l’une des deux affaires.

La Cour a ensuite relevé que, depuis la publication de la loi n° 2021-1017  du 2 août 2021 relative à la bioéthique (v. dossier AJ famille d’octobre et de novembre 2021), l’établissement de la filiation à l’égard de la femme qui n’a pas accouché est possible (pendant 3 ans selon le dispositif transitoire), ce qui a pour effet d’établir la filiation à l’égard de l’autre femme également et qu’une telle option était ouverte dans une des deux affaires. Elle a également constaté que, dans l’autre affaire, l’enfant étant aujourd’hui majeure, son adoption simple par la requérante était envisageable.

La Cour en a conclu qu’eu égard à la marge d’appréciation dont disposait l’État défendeur, fût-elle réduite lorsque les intérêts supérieurs d’enfants mineurs sont en cause, il n’y avait pas eu manquement de l’État défendeur à son obligation de garantir le respect effectif de la vie privée des intéressés.

NB – L’article 9 de la loi n° 2022-219 du 21 févier 2022 visant à réformer l’adoption vient compléter les dispositions de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique à propos de la filiation des couples lesbiens ayant eu recours à une assistance médicale (AMP) à l’étranger avant la promulgation de la loi de bioéthique. Il crée un mécanisme de droit transitoire, subsidiaire à la reconnaissance conjointe a posteriori, elle-même de droit transitoire, en prévoyant une adoption, à titre exceptionnel, prononcée dans des conditions dérogatoires. Vous retrouverez toutes les explications de ce mécanisme dans le dossier « Réforme de l’adoption » de  l’AJ famille du mois d’avril 2022, spécialement dans l’article de Laurence Brunet et Marie Mesnil.

 

Prescription de l’action en contestation de reconnaissance de paternité alors que ni l’enfant, ni aucun de ses parents n’a sa résidence habituelle en France (Civ. re, 23 mars 2022, n° 21-12.952, 269 F-B) – Aux termes de l’article 311-17 du code civil, la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant.

Après avoir rappelé qu’il résultait de l’article 311-17 du code civil que l’action en contestation d’une reconnaissance de paternité devait être possible tant au regard de la loi de l’auteur de celle-ci que de la loi de l’enfant, une cour d’appel en a déduit que, l’ex-mari de la mère étant de nationalité française, la recevabilité de l’action devait être examinée au regard de la loi française. Elle a énoncé à bon droit que l’article 311-17 édictait une règle spéciale de conflit de lois prévalant sur la règle générale prévue par l’article 311-14 et qu’il n’y avait pas lieu de se référer aux conditions fixées par l’article 311-15 pour voir se produire les effets que la loi française attachait à l’existence ou à l’absence de possession d’état, ce texte n’ayant vocation à jouer que si, en vertu de l’article 311-14, la filiation était régie par une loi étrangère.

Ayant constaté que l’enfant avait bénéficié à l’égard de son père d’une possession d’état de plus de cinq ans depuis la reconnaissance, la cour d’appel en a exactement déduit que, par application de l’article 333 du code civil, l’action en contestation de paternité engagée par la mère, en sa qualité de représentante légale de l’enfant, était irrecevable, nonobstant le fait que ni l’enfant ni aucun de ses parents n’avait sa résidence habituelle en France.

NB – Cette décision sera prochainement commentée à l’AJ famille par Jérémy Houssier.

 

  • LIBÉRALITÉS

La validité du legs en faveur de l’auxiliaire de vie du testateur s’apprécie au jour de l’établissement du testament (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 20-17.663, n° 267 F-B) – Pour dire que les légataires universels sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de la légataire à titre particulier, une cour d’appel fait application de l’article L. 116-4, alinéa 2, du code de l’action sociale et des familles, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 et dans sa version en vigueur au jour du décès du testateur. Elle retient qu’il résulte de cette loi que c’est à la date de la libéralité qu’il y a lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l’empêchant, au jour du décès du testateur, de recevoir. Après avoir relevé que, à la date du testament authentique, la légataire était employée par le testateur en qualité d’auxiliaire de vie à domicile, elle en déduit que le legs à titre particulier consenti à son profit se heurte à l’interdiction résultant de ce texte.

En statuant ainsi, alors que, en l’absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus et qu’il ressortait de ses constatations que, au jour de l’établissement du testament, l’article L. 116-4, alinéa 2, du code de l’action sociale et des familles n’était pas en vigueur, la cour d’appel a violé l’article 2 du code civil aux termes duquel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif.

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