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Sélection jurisprudentielle de la semaine : autorité parentale, concubinage, divorce, filiation, libéralités et successions

11/03/2022

Jurisprudence3Voici en cette fin de semaine notre sélection d’arrêts hebdomadaire :

  • autorité parentale
  • concubinage
  • divorce
  • filiation
  • libéralités
  • successions

  • AUTORITÉ PARENTALE

Pas de droit de visite et d’hébergement pour les grands-parents à l’origine d’une situation conflictuelle (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-18.833, 190 F-D) – Après avoir relevé que les grands-parents maternels ne s’étaient pas conformés à un précédent arrêt (qui avait organisé un droit de visite médiatisé à leur profit pendant un an), ajoutant ainsi au conflit existant et au désarroi de l’enfant (dont la mère est décédée), la cour d’appel a constaté qu’à chaque rendez-vous au point-rencontre, celui-ci avait manifesté une farouche opposition à tout contact avec ses grands-parents maternels. Elle a estimé, d’une part, qu’il était légitime, au regard de son vécu, que son père n’ait pas souhaité lui imposer la poursuite de la relation, d’autre part, qu’en dénonçant des faits gravissimes imaginaires à l’encontre du père, les grands-parents avaient créé une situation conflictuelle et que leur comportement, ajouté à l’emprise qu’ils avaient tenté de mettre en oeuvre à l’égard de leur petit-fils, avaient engendré chez celui-ci des perturbations psychologiques.

La cour d’appel, qui a pris en considération le compte rendu prétendument omis et qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a souverainement déduit qu’il n’était pas de l’intérêt actuel de l’enfant de maintenir des liens avec ses grands-parents maternels et a, ainsi, légalement justifié sa décision de refuser d’organiser un droit de visite et d’hébergement.

Condamnation de la Russie pour inexécution prolongée de décisions de justice fixant la résidence de l’enfant à la mère (CEDH, 8 mars 2022, Y.Y. et Y.Y. c/ Russie, n° 43229/18) – La décision, confirmée en appel, de confier la résidence de l’enfant chez la mère, n’ayant reçu exécution que deux ans et demi plus tard du fait de la défaillance du service fédéral des huissiers, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Conv. EDH. Les autorités russes n’ont pas pris toutes les mesures qu’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour exécuter les décisions de justice, et a ainsi porté atteinte au droit de la mère et de son enfant au respect de leur vie familiale, le lien entre les deux s’étant entre-temps considérablement détérioré. 

  • CONCUBINAGE

Enrichissement sans cause et force de chose jugée (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-19.076, 195 F-D) – Pour limiter à une certaine somme, correspondant à une échéance du prêt (destiné à financer la construction d’une maison d’habitation sur un terrain appartenant à son “ex”) réglée postérieurement à la séparation du couple, l’indemnité due à l’ex-concubin au titre de l’enrichissement sans cause et rejeter le surplus de ses demandes, une cour d’appel retient que tous les paiements effectués par lui au titre de l’édification ou de l’occupation de la maison pendant la durée de la vie commune ont été réalisés dans son intérêt personnel, dès lors que cette maison constituait le logement de la famille et qu’il y a consenti à ses risques et périls, puisqu’il ne pouvait ignorer que son ex-concubine était seule propriétaire de l’immeuble et qu’il n’avait aucun droit sur celui-ci. En statuant ainsi, après avoir constaté qu’un précédent arrêt avait tranché dans son dispositif la question du bien fondé de sa demande au titre de l’enrichissement sans cause, la cour d’appel, qui a méconnu l’autorité de chose jugée attachée à cette décision, a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile.

  • DIVORCE

Irrecevabilité du pourvoi contre l’ordonnance de non-conciliation indépendamment de la décision sur le fond (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-23.235, 183 FS-D) – Sauf dans les cas spécifiés par la loi, les décisions en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l’instance ne peuvent être frappées de pourvoi en cassation indépendamment des décisions sur le fond que si elles tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal.

Une épouse s’est pourvue en cassation contre l’arrêt d’une cour d’appel qui, statuant sur appel d’une ordonnance de non-conciliation, prescrit les mesures provisoires prévues pour la durée de l’instance et, à cette fin, se prononce sur les lois applicables au divorce, aux obligations alimentaires et à la responsabilité parentale. Cette décision, qui est dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal, n’a pas mis fin à l’instance.Dès lors, en l’absence de dispositions spéciales de la loi, le pourvoi en cassation formé par elle indépendamment de la décision sur le fond n’est donc pas recevable.

NB – Cette solution est régulièrement rappelée par la Cour de cassation (v. not Civ. 1re,  13 oct. 2021, n° 20-16.248).

  • FILIATION

Principe de proportionnalité appliqué à une action en contestation de paternité (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-23.282, 192 F-D) – Une cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et a pris en considération les intérêts en présence, a pu en déduire que le délai de prescription opposé au demandeur à l’action en contestation de paternité respectait un juste équilibre et qu’il ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision de rejeter son action. 

En l’occurrence la cour d’appel a énoncé que, si l’impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constituait une ingérence dans l’exercice de son droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Conv. EDH, cette ingérence résultait, en droit interne, de l’application des articles 332, 333, 334 et 321 du code civil, qui définissaient de manière claire et précisaient les conditions de prescription des actions relatives à la filiation. Elle a retenu que ces règles poursuivaient un but légitime en ce qu’elles tendaient à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique. Elle a rappelé qu’il appartenait cependant au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés en jeu.

Après avoir relevé que l’intéressé avait engagé l’action en contestation de paternité de son père légal trente cinq ans après sa majorité, sans pouvoir justifier de sa tardiveté, quand bien même, selon ses dires, les circonstances ayant entouré sa naissance étaient connues de tous, notamment de lui-même, la cour d’appel a retenu que cette action était de nature à entacher gravement la réputation de son père prétendu et à porter atteinte à la mémoire de son père légitime.

NB – V. à propos d’une action en recherche de paternité (Civ. 1re, 2 déc. 2020, n° 19-20.279)

  • LIBÉRALITÉS

Pas besoin d’informer l’assureur de la désignation ou substitution du bénéficiaire d’une assurance vie par voie testamentaire (Civ. 2e, 10 mars 2022, n° 20-19.655, 253 F-B) – La désignation ou la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie, que l’assuré peut, selon l’article L. 132-8 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige, opérer jusqu’à son décès n’a pas lieu, pour sa validité, d’être portée à la connaissance de l’assureur lorsqu’elle est réalisée par voie testamentaire.

Par suite, c’est à bon droit qu’une cour d’appel, retenant que le défunt souscripteur avait indiqué dans un écrit, s’analysant en un testament olographe, que le capital décès de son assurance vie devait revenir à son fils (au lieu de son épouse), décide que ce dernier soutient à juste titre que la substitution de bénéficiaire peut être effectuée par voie testamentaire, cette modalité étant expressément prévue par l’article L.132-8 précité, peu important que l’assureur n’en ait pas été avisé.

NB – Un premier arrêt de la Cour de cassation a déjà été rendu dans cette affaire (Civ., 13 juin 2019, n° 18-14.954).

  • SUCCESSIONS

Illustration d’un recel successoral (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-20.604, 187 F-D) –  La Cour de cassation juge légalement justifiés la décision d’une cour d’appel de dire que la fille de la défunte s’est rendue coupable de recel successoral et que, en conséquence, elle est privée de ses droits successoraux dans l’immeuble, objet de la donation du 31 mars 2004.

En l’occurrence, la cour d’appel a relevé qu’après la mort accidentelle de son fils, le 2 février 2004, la défunte s’était trouvée sous l’emprise morale de sa fille , qui, connaissant son aliénation mentale et la procédure de mise sous tutelle, initiée contre son gré par son frère, s’était installée chez elle, l’avait coupée de toute relation avec son entourage habituel et avait bénéficié d’une procuration sur ses comptes bancaires où des mouvements suspects avaient été observés.

Elle a, par là-même, fait ressortir le procédé par lequel la fille de la défunte avait réussi à frustrer ses nièces (venant par représentation de leur père, prédécédé),  de l’actif successoral en obtenant de sa mère, tant, deux jours seulement après le décès de son frère, soit le 4 février 2004, un testament olographe que, le 31 mars 2004, une donation par préciput et hors part de son bien immobilier à son seul bénéfice, alors qu’auparavant la défunte avait rédigé un testament authentique au profit de ses deux enfants par parts égales tout en gratifiant ses petits-enfants.

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