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Divorce par consentement mutuel : une charte commune des notaires et des avocats perfectible

12/02/2021

Charte commune notariat-CNB DCM_page-0001Comme annoncé il y a quelque temps (v. notre brève du 25 janvier 2021), une charte commune a été signée le 23 décembre 2020 par le Conseil supérieur du notariat et le Conseil national des barreaux sur le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Si l’on peut se féliciter que notaires et avocats parlent d’une seule voix – ce qui n’est pas si fréquent – avec pour ambition d’unifier les pratiques professionnelles sur tout le territoire français et de mettre un terme à des procédés divergents pour simplifier les relations entre les notaires et les avocats, la charte devra sans doute faire l’objet d’aménagements et de précisions.

Julien de Pauw et Marion Delplanque nous livrent, dans le numéro de février de l’AJ famille, leur regard d’avocats mais également l’avis de notaires.

En attendant de lire leur point de vue, vous trouverez ci-dessous le texte de la charte commune.

CHARTE COMMUNE

CONSEIL SUPÉRIEUR DU NOTARIAT – CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX SUR LE DIVORCE PAR CONSENTEMENT MUTUEL

 

 

1°) Observations liminaires

 

La présente charte a pour objectif de permettre une collaboration fluide et efficace entre les professionnels impliqués lors d’un divorce par consentement mutuel (avocats et notaires) dans l’intérêt de leurs clients.

Elle  a  pour  vocation  de  rappeler  à  chaque  professionnel  les  droits  et  obligations  qui pèse nt sur chacun et le rôle qui doit être assuré par chacun,  d’une part, et de lever certaines ambiguïtés,  d’autre part,   qui  peuvent  apporter confusion, contrariété et malentendus.

La charte tient compte des textes en application lors de sa signature et devra être adaptée en cas d’évolution législative et réglementaire, tant nationale qu’internationale.

 

2°) Présentation générale du DCM

 

Le législateur a instauré une nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, contractualisée.

L’article 229 nouvel alinéa 1 du code civil prévoit ainsi : « Les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. »

L’article 229-2 du code civil exclut cette nouvelle procédure dans deux hypothèses :

  • lorsque l’enfant mineur commun demande à être auditionné par le juge ;
  • ou lorsque l’un des époux est placé sous un régime de protection juridique prévu au chapitre Ildu Titre XI du livre 1er du code civil, à savoir les mesures de sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou mesures légales de représentation (mandat de protection future ayant pris effet et habilitation familiale).

Cette procédure de divorce par consentement mutuel, créée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Elle s’applique à tous les divorces par consentement mutuel.

Voici pour rappel les principaux textes de références :

  • Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle – Chapitre Il : Unions et séparations – Art. 50 – JO du 19 novembre 2016
  • Code civil – Livre Ier – Titre VI – Chapitre Ier – Section 1: Du divorce par consentement mutuel – Paragraphe 1: Du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire – Art. 229 -1et s.
  • Décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale – JO du 29 décembre 2016
  • Arrêté du 28 décembre 2016 fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants mineurs capables de discernement dans le cadre d’une procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire – JO du 29 décembre 2016
  • Décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016 portant diverses dispositions relatives à l’aide juridique – JO du 28 décembre 2016
  • Dépêche du 20 janvier 2017 relative à l’aide juridictionnelle dans le cadre de la réforme du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire
  • Arrêté du 20 janvier 2017 relatif aux tarifs règlementés des notaires – JO du 26 janvier 2017
  • Circulaire du Ministre de la justice du 26 janvier 2017 portant présentation des dispositions en matière de divorce par consentement mutuel et de succession issues de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 – cette circulaire s’accompagne de 12 fiches techniques et de 3 annexes. – Circ. Min jus. JUSC1638274C du 26 janvier 2017

Fiches Techniques

Fiche 1: Champ d’application du divorce par consentement mutuel Fiche 2 : Les conditions du nouveau divorce par consentement mutuel
Fiche 3 : L’articulation du nouveau divorce par consentement  mutuel avec les autres formes de divorce
Fiche 4 : La phase d’élaboration de la convention de divorce par les avocats
Fiche 5 : La signature de la convention de divorce et la transmission au notaire
Fiche 6 : L’intervention du notaire en matière de divorce par consentement mutuel
Fiche 7 : La mention du divorce par consentement mutuel sur les actes de l’état civil Fiche 8 : Les formalités d’enregistrement de la convention de divorce et de ses annexes Fiche 9 : L’après-divorce par consentement mutuel
Fiche 10 : La circulation transfrontière des conventions de divorce Fiche 11: La nouvelle procédure de l’envoi en possession
Fiche 12 : L’application des nouvelles dispositions Outre-mer

Annexes

Annexe 1 : Modèle de l’information délivrée aux enfants mineurs capables de discernement dans le cadre du divorce prévu à l’article 229-1 du code civil
Annexe 2 : Annexe  relative aux modalités de recouvrement des pensions alimentaires assimilées, aux règles de révision et sanctions pénales encourues
Annexe 3 : Nouvelles mentions du divorce sur les actes de l’état civil

 

3°) Quelques rappels indispensables

 

a) Les obligations qui pèsent sur l’avocat rédacteur

L’avocat qui rédige une convention de divorce par consentement mutuel, doit respecter les obligations qui pèsent sur tout avocat, en particulier celles résultant de l’article 7 du règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat.

Cet article précise :

« L’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties. Il refuse de partici per à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleuse. Sauf s’il en est déchargé par les parties, il est tenu de procéder aux formalités légales ou règlementaires requises par l’acte qu’il rédige et de demander le versement préalable des fonds nécessaires.
L‘avocat seul rédacteur d’un acte veille à l’équilibre des intérêts des parties. Lorsqu ‘il a été saisi par une seule des parties, il informe l’autre partie de la possibilité qu’elle a d’être conseillée et de se faire assister par un autre avocat.
L’acte sous signature privée contresigné par avocat est signé par l’avocat ou les avocats rédacteurs désigné(s) à l’acte.
La convention de divorce par consentement mutuel établie par acte sous signature privée conformément aux dispositions de l’article 229-3 du Code civil est signée1 en présence physique et simultanément1 par les parties et les avocats rédacteurs désignés à la convention sans substitution ni délégation possible ».

Il est donc en particulier essentiel que l’avocat qui signe la convention en est le rédacteur et cette signature doit être effectuée, en présence physique et simultanément, par les parties et les avocats rédacteurs.

b) Les obligations qui pèsent sur le notaire qui procède au dépôt de la convention de divorce

Il convient de rappeler que le notaire ne remplace [pas] le juge : il ne prononce pas le divorce, mais le constate et procède au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes de son office[,] ce qui donne date certaine et force exécutoire au divorce. En particulier, le notaire ne peut donc pas convoquer les époux pour s’assurer de la persistance de leur consentement.

En application de l’article 229-3 du code civil (v. ci-dessous, n° 4 c), le contrôle du notaire est un contrôle formel de la convention de divorce et porte sur les six points visés par l’article 229-3 du code civil.

Le notaire doit également s’assurer que le délai de réflexion a bien été respecté et que la convention de divorce n’a pas été signée avant l’expiration du délai. De même, si un élément du dossier fait penser au notaire que la convention n’a pas été signée simultanément par les parties et leurs avocats, il peut solliciter des explications et peut, en attendant, refuser de déposer l’acte. Il en est de même si un élément du dossier laisse penser que la convention n’émane pas de deux avocats distincts ou que le signataire de la convention ne soit pas le rédacteur.

Au-delà de ces vérifications, le notaire, de par son statut d’officier public, doit s’assurer que l’acte qu’il dépose au rang de ses minutes n’est pas manifestement contraire à l’ordre public (v. ci-dessous, n° 8).

c) Le divorce par consentement mutuel en présence d’éléments d’extranéité

Le divorce déjudiciarisé n’étant ni assimilable à un jugement, ni à un acte authentique, sa reconnaissance et son exécution au-delà des frontières françaises peuvent soulever des difficultés, en particulier dans les États qui réservent aux seuls juges la possibilité de statuer sur le divorce des époux ou le sort des enfants. Dans les faits, si un certain nombre d’États se montre conciliant et accepte de faire produire ses effets  au divorce déjudiciarisé, d’autres ne font pas preuve de la même tolérance.

En l’état actuel des textes, et notamment des textes européens, en présence d’éléments d’extranéité (nationalités étrangères communes ou différentes, lieu de résidence situé dans des États différents, projet de déménagement à l’étranger par ex.) et au regard des risques de refus de reconnaissance ou d’exécution de la convention de divorce, il peut être opportun de déconseiller aux époux d’avoir recours à ce type de divorce ou, à tout le moins, de les mettre expressément en garde sur les difficultés que ce type de divorce peut présenter.

En présence d’enfants mineurs, il est toujours possible de faire homologuer par le juge une convention parentale (notamment si le débiteur de la contribution due à l’enfant réside à l’étranger ou si le parent au domicile duquel la résidence habituelle de l’enfant est fixée envisage de déménager à l’étranger) afin de limiter les risques liés à une absence de reconnaissance de la convention de divorce.

 

4°) La phase d’élaboration de la convention par les avocats

 

a) La présence nécessaire et obligatoire de deux avocats

Chaque partie doit nécessairement être assistée de son avocat qui contresigne la convention.

Les avocats sont tenus de s’assurer :

  • du plein consentement, libre et éclairé, de l’époux qu’ils assistant ;
  • de l’équilibre de la convention ;
  • de ce qu’elle contient les éléments requis par la loi (voir infra) et ne contrevient pas à l’ordre public ;
  • de ce que les enfants ont bien été informés par les parents de leur droit à être entendus.

Chacun des époux doit donc avoir choisi son propre avocat de façon libre et indépendante. Les avocats doivent donc être vigilants quant au caractère libre et éclairé du consentement des parties et appliquer de façon stricte la règle du conflit d’intérêts. Ainsi, le conflit d’intérêt[s] ne permet pas à deux avocats, membres d’un même cabinet, associés ou collaborateurs, soit membres d’une même structure (société civile de moyens, cabinet groupé, etc.), soit, plus généralement, exerçant dans les mêmes locaux, même en l’absence de structure existante, d’assister les époux pour la rédaction de la convention de divorce. De même, cette règle de préservation du conflit d’intérêt[s] interdit de façon générale à tout avocat qui a reçu les deux époux, d’être l’avocat d’un seul.

b) Les travaux préparatoires à la convention

L’avocat doit réunir, au moins, les pièces suivantes : pièce d’identité en cours de validité, livret de famille, copie intégrale datant de moins de trois mois de l’acte de mariage, des actes de naissance des époux et des enfants du couple, contrat de mariage s’il en existe un, justificatif de domicile, justificati f des ressources et charges de chaque partie (avis d’imposition, etc.), déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie prévue à l’article 272 du code civil dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire et le formulaire signé et daté par chacun des enfants mineurs (v. ci-dessous).

Comme tout contrat, la convention de divorce peut être remise en cause sur le fondement des actions propres au droit des contrats, et notamment les actions en nullité. Les articles 1112 et 1112-1 du code civil lui sont également applicables et obligent les parties à négocier de bonne foi et à une parfaite loyauté et transparence sur les informations échangées. Cette phase de négociation précontractuelle est donc essentielle pour la sécurité juridique de l’acte. Elle est également la preuve de l’accompagnement de l’avocat dans l’élaboration de l’acte.

c) Les conditions de forme de la convention

Le nouvel article 229-3 du code civil rappelle que « le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas » et liste les mentions et dispositions que doit contenir la convention à peine de nullité :

  1. Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ;
  2. Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;
  3. La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention ;
  4. Les modalités du règlement complet des effets du divorce, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire ;
  5. 5. L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ;
  6. La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.

L’article 1145 alinéa 2 du code de procédure civile impose par ailleurs d’annexer à la convention de divorce le formulaire signé et daté par chacun des enfants mineurs. Ce formulaire, qui doit avoir été préalablement adressé à chacun des enfants mineurs, mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du code civil ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure.

Lorsque l’enfant n’a pas de discernement suffisant, apprécié par les parents, la convention doit préciser qu’il s’agit de la raison pour laquelle l’information n’a pas été donnée.

La convention doit également mentionner :
– Le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l’office chargé de recevoir l’acte en dépôt de l’acte au rang de ses minutes. Le notaire qui a établi le projet d’état liquidatif est en principe celui qui procédera au dépôt de la convention de divorce au rang de ses minutes.
– La valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire.

ATTENTION : lorsque les droits ou biens attribués à titre de prestation compensatoire sont soumis à la publicité foncière, l’attribution est opérée par acte dressé en la forme authentique devant notaire.

– Les modalités de recouvrement, les règles de révision de la créance et les sanctions pénales en cas de défaillance lorsque la convention de divorce fixe une pension alimentaire ou une prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

 

5°) La liquidation du régime matrimonial

 

L’article 229-3 du code civil prévoit que la convention de divorce doit comporter « l’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ».

Le texte se borne donc à imposer un état liquidatif et n’exige pas que le sort des droits et obligations constatés par cet état soit fixé par les époux. Il n’est donc pas nécessaire que l’état liquidatif soit suivi, selon les cas, d’un partage ou d’une convention d’indivision. Les éventuels partage ou convention d’indivision peuvent intervenir concomitamment au travail liquidatif ou postérieurement au divorce.

Cet état liquidatif peut être effectué par les avocats ou par un notaire. Il doit être fait en la forme notarié(e) lorsque « la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière ».

Plus précisément, l’état liquidatif doit être fait par acte notarié lorsque l’état liquidatif est accompagné d’un acte réglant le sort d’un droit réel, par exemple en présence d’une liquidation-partage avec transfert ou démembrement des biens immobiliers, liquidation avec convention d’indivision sur des biens immobiliers. Dans cette hypothèse, l’acte liquidatif notarié comprendra soit l’intégralité de la liquidation, soit la liquidation sur les biens soumis à publicité foncière. En revanche, lorsque l’acte effectue des comptes affectés par la présence d’un bien immobilier ou d’un droit réel, mais n’aboutit pas à un partage ou une convention d’indivision (par exemple en cas de calcul des récompenses consécutifs (sic) au financement des biens immobiliers propres par des fonds communs ou des biens immobiliers communs par des fonds propres, ni à un règlement des dettes et des créances), l’état liquidatif peut être fait par acte sous signature privée.

L’état liquidatif ne concerne pas la prestation compensatoire, sauf dans les hypothèses dans lesquelles un acte notarié est obligatoire, en application de l’article 1144-3 du code de procédure civile ou dans les hypothèses dans lesquelles la prestation compensatoire est réglée par abandon de la soulte.

 

6°) Projet d’état liquidatif ou copie authentique de l’acte portant liquidation du régime matrimonial lors de la notification du projet de convention de divorce : peut-on signer l’acte authentique portant liquidation du régime matrimonial, y compris sous condition suspensive, avant l’envoi par les avocats de leur projet de convention de divorce ?

 

Conformément à l’article 229-4 du code civil, l’avocat adresse à l’époux qu’il assiste le projet de la convention de divorce. Cet envoi par lettre recommandée avec accusé de réception fait courir le délai de réflexion de quinze jours qui court à compter de sa réception. La convention de divorce ne peut être signée à peine de nullité avant l’expiration de ce délai de réflexion de 15 jours s’écoulant à compter de la réception.

Ce délai vise à s’assurer du consentement éclairé de chaque époux sur le principe du divorce mais également sur chacune de ses conséquences. La liquidation du régime matrimonial peut figurer au sein de la convention – en l’absence de bien immobilier – mais doit être réalisée en la forme authentique et donc figurer en annexe de la convention de divorce dès lors qu’elle concerne un bien immobilier ou des biens ou droits attribués soumis à publicité foncière.

Néanmoins, il est nécessaire que chaque époux ait connaissance du projet d’acte liquidatif avant de consentir au divorce. Celui-ci doit donc être adressé à chacun d’eux au même titre que le projet de convention lui-même comme d’ailleurs toutes les annexes, en vertu de l’article 229-3 du code civil qui dispose que le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas et qui liste l’état liquidatif parmi les éléments faisant corps avec la convention.

En revanche, les dispositions de l’article 229-3 du code civil n’indiquent pas si le projet d’acte liquidatif doit être adressé aux parties avant l’expiration du délai de réflexion ou s’il peut déjà s’agir de l’acte définitif signé par tous et rédigé sous condition suspensive du dépôt de la convention de divorce et de ses annexes aux rangs des minutes de l’office notarial.

Une bonne pratique (v. réponse de la chancellerie publiée au JO le 24 décembre 2019, p. 11410) consiste à joindre un projet d’acte plutôt que la copie authentique de l’acte portant liquidation du régime matrimonial signé, même sous condition suspensive, afin que le délai de réflexion s’applique tant au principe qu’aux conséquences pécuniaires du divorce même si l’acte liquidatif est fait en la forme authentique. Cela permet aux parties d’envisager d’éventuels changements et l’écoulement d’un nouveau délai le cas échéant, puisque, comme déjà précisé, en cas de changements significatifs, il convient de faire courir un nouveau délai de réflexion.

Les pratiques locales qui se sont développées pour organiser un rendez-vous commun de signature de la convention et de ses annexes avec les avocats et le notaire sont ainsi tout à fait pertinentes. Une signature en deux temps après l’écoulement du délai de réflexion ne pose cependant aucune difficulté (v. en ce sens, réponse de la chancellerie précitée).

En tous les cas, lorsqu’un changement significatif est apporté au projet d’acte liquidatif, il est nécessaire de faire courir un nouveau délai de réflexion de 15 jours.

 

7°) La régularisation de la convention

 

À l’issue du délai de réflexion de 15 jours, la convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble, en trois exemplaires originaux, ou quatre en cas d’enregistrement, le nombre d’exemplaires originaux ne pouvant excéder ce nombre.

ATTENTION :si un changement significatif a été apporté à la convention et/ ou à l’état portant liquidation du régime matrimonial, il est impératif de faire courir un nouveau délai de réflexion et la convention ne pourra être signée qu’après expiration de ce nouveau délai.

Dans l’hypothèse où l’état liquidatif doit être régularisé par acte notarié, les signatures peuvent avoir lieu de manière concomitante indifféremment chez le notaire ou au cabinet de l’un ou l’autre avocat.

Dans l’hypothèse où la signature s’effectue chez le notaire, le notaire laissera à la disposition des avocats et des époux une pièce pour qu’ils puissent signer entre eux la convention de divorce, après régularisation de l’état liquidatif.

ATTENTION : en tous les cas, l’acte notarié portant règlement du régime matrimonial doit être signé avant la convention de divorce.

Chaque époux conserve un original de la convention de divorce accompagné de ses annexes et revêtu des quatre signatures. Le troisième exemplaire original est destiné à son dépôt au rang des minutes du notaire. En cas de signatures concomitantes de l’ensemble des actes en un lieu unique, le troisième original peut être remis immédiatement au notaire afin qu’il procède à son dépôt et remette immédiatement une attestation de dépôt, aux époux et à leurs conseils, rendant exécutoire le divorce à compter de ce dépôt. Sinon, il doit être transmis au notaire, à la requête des époux, par l’avocat le plus diligent, aux fins de dépôt au rang des minutes du notaire, dans un délai de sept jours suivant la date de la signature de la convention. Dans cette hypothèse, le notaire doit procéder dans un délai de quinze jours au dépôt.

 

8°) L’intervention du notaire

 

Le notaire procède au dépôt de la convention de divorce au rang de ses minutes ce qui donne date certaine et force exécutoire au divorce (v. également ci-dessus, n° 3 b).

En application de l’article 229-3 du code civil (v. ci-dess[u]s, n° 4 c), le contrôle du notaire est un contrôle formel de la convention de divorce et porte sur les six points visés par l’article 229-3 du code civil. Ildoit donc s’assurer que la convention comporte les mentions suivantes :

« 1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ;
Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d »assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;
La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention ;
4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre Ill du présent titre, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire ;
L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ;
6° La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par lejuge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté ».

Concernant ce dernier point, le notaire doit s’assurer soit que le formulaire est joint, soit que la convention mentionne que l’information prévue à l’article 229-2, 6° – le droit pour le mineur à être entendu par le juge – n’a pas été donnée au mineur en l’absence d’un discernement suffisant : en revanche, le notaire n’est, en l’état actuel des textes, pas juge de ce discernement suffisant ou non, il doit seulement s’assurer que l’acte comporte formellement les indications nécessaires.

Le notaire doit encore s’assurer que le délai de réflexion a bien été respecté et que la convention de divorce n’a pas été signée avant l’expiration du délai. Pour permettre ce contrôle, doit donc être produit[e] au notaire la copie des avis de réception de l’envoi du projet de convention à chacun des époux.

De même, si un élément du dossier fait penser au notaire que la convention n’a pas été signée simultanément par les parties et leurs avocats ou qu’il existe un conflit d’intérêts en ce que la convention n’émane pas de deux avocats distincts ou que le signataire de la convention ne soit pas le rédacteur, ilpeut solliciter des explications et peut, en attendant, refuser de déposer l’acte.

Doivent donc être produites au notaire les pièces suivantes :

  • la copie des avis de réception de l’envoi du projet de convention à chacun des époux permettant au notaire de vérifier le respect du délai de réflexion de quinze jours ;
  • le cas échéant, la copie authentique de l’état liquidatif du régime matrimonial ;
  • un formulaire signé et daté par chacun des enfants mineurs communs capables de discernement. En l’absence de discernement, aucun formulaire ne sera remis à l’enfant mais la convention comporte la mention selon laquelle l’information n’a pas été donnée au mineur (article 1144-2 du code de procédure civile) ;
  • la copie authentique de l’attribution à titre de prestation compensatoire de biens ou droits soumis à publicité foncière ;
  • la traduction de la convention et de ses annexes par un traducteur habilité effectuée au sens de l’article 7 du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 si celles-ci sont rédigées en langue étrangère.

Si le notaire constate que l’une des exigences formelles visées aux 1° à 6° de l’article 229- 1du code civil fait défaut, ou que le délai de réflexion n’a pas été respecté, il doit refuser de procéder au dépôt de la convention. Le notaire renvoie, sans délai, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, aux avocats des époux la convention de divorce.

L’avocat doit encore envoyer au notaire, la provision nécessaire pour que ce dernier puisse établir l’acte de dépôt, sauf à ce que le notaire ait été préalablement provisionné par les parties.

Au-delà de ces vérifications, le notaire, de par son statut d’officier public, doit s’assurer que l’acte qu’il dépose au rang de ses minutes n’est pas manifestement contraire à l’ordre public.

ATTENTION : le contrôle de la conformité de la convention de divorce à l’ordre public ne signifie pas que le notaire doive contrôler le caractère équilibré, équitable ou pertinent de la convention qui est garanti par l’intervention des deux avocats. Le contrôle de la conformité de la convention à l’ordre public signifie que le notaire doit par exemple refuser de procéder au dépôt au rang de ses minutes d’un acte lorsqu’il y a une fraude manifeste ou une contrariété manifeste à l’ordre public (par ex. la convention mentionne expressément que l’épouse a renoncé à tout droit à prestation compensatoire afin que la résidence habituelle de l’enfant soit fixée à son domicile – autre ex. la convention de divorce comporte une clause de non-remariage – dernier ex. la convention comporte une clause qui évince les règles d’attribution de l’autorité parentale découlant de la filiation).

Lorsque la convention est ainsi manifestement contraire à l’ordre public, le notaire doit en avertir les avocats et il doit refuser de déposer la convention au rang de ses minutes. En tous les cas, il lui appartient d’expliciter son refus.

 

9°) Le dépôt de la convention

 

 Après finalisation des différents contrôles (v. ci-dessus) et de la signature de la convention de divorce et de l’état liquidatif du régime matrimonial, le notaire doit déposer la convention de divorce au rang des minutes de son office dans un délai de quinze jours suivant la date de la réception ou de la remise en mains propres de la convention de divorce signée. Il ne peut exiger la présence des époux en vue de ce dépôt.

ATTENTION : la date du divorce entre les époux est la date du dépôt de la convention de divorce au rang des minutes de son office.

 

10°) La transcription du divorce

 

 Le notaire ayant procédé au dépôt de la convention dè divorce n’est pas chargé d’effectuer la publicité des époux à l’état civil. L’article 1147 du code civil prévoit ainsi que cette publicité est faite à la requête de l’un des ex-époux ou de l’un des avocats au vue (sic) d’une attestation de dépôt délivrée par le notaire. Cette attestation mentionne l’identité des époux et la date du dépôt.

L’avocat le plus diligent ou l’un des ex-époux adresse l’attestation de dépôt de la convention au rang des minutes aux mairies concernées en vue de la transcription du divorce en marge de l’acte de mariage ainsi que de l’acte de naissance de chacun des époux (article 1147 du code de procédure civile). Cette formalité permet de rendre le divorce opposable aux tiers.

En effet, « la convention ou le jugement de divorce est opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies » (Article 262 du code civil).

ATTENTION : à l’égard des tiers, le divorce des époux leur est opposable seulement à compter de la transcription du divorce sur leurs actes d’état civil. Cette disposition n’est néanmoins pas une nouveauté puisqu’il s’agit d’une formalité essentielle pour l’ensemble des divorces.

 

11°) L’enregistrement de la convention de divorce

 

 La convention de divorce n’est en principe pas soumise aux formalités d’enregistrement.

En revanche, lorsque la convention de divorce renferme un partage de biens meubles ou l’octroi d’une prestation compensatoire, elle donne lieu au règlement de droit proportionnel, ce qui nécessite son enregistrement près du pôle enregistrement du service des impôts des entreprises (SIE) dont dépend l’un et/ou l’autre des époux. Cet enregistrement doit être effectué dans un délai d’un mois à compter du dépôt par le notaire de la convention au rang des minutes de son office.

Comme le rappelle la circulaire de la Chancellerie du 26 janvier 2017 (v. ci-dessus 2) précise que (sic) chaque professionnel est responsable des formalités d’enregistrement qu’il effectue et qui lui incombe. En principe, l’enregistrement de la convention de divorce est ainsi diligenté par le notaire lorsque des actes authentiques se trouvent annexés à la convention. Dans les autres cas, l’un des avocats procède aux formalités d’enregistrement.

 

12°) La circulation du divorce à l’international

 

Comme évoqué ci-dessus (v. 3 c), le divorce déjudiciarisé n’étant ni assimilable à un jugement, ni à un acte authentique, sa reconnaissance et son exécution au-delà des frontières françaises peuvent soulever des difficultés, en particulier dans les États qui réservent aux seuls juges la possibilité de statuer sur le divorce des époux ou le sort des enfants. Si certains États se sont montrés conciliants pour accepter de reconnaître le divorce par consentement mutuel extra-judiciaire, d’autres refusent – plus ou moins catégoriquement et systématiquement – de lui faire produire des effets. En présence d’éléments d’extranéité, il est donc impératif que les avocats remplissent leurs devoirs de conseil et alertent les époux sur les risques inhérents du divorce déjudiciarisé, en particulier en termes de reconnaissance, voire d’exécution, notamment lorsque la convention de divorce porte également sur l’exercice de l’autorité parentale et le lieu de résidence des enfants mineurs.

Lorsque le divorce doit être reconnu dans un État membre lié par le règlement (CE} n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (dit règlement Bruxelles Il bis), le notaire ayant reçu en dépôt la convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel est en charge de délivrer le certificat institué par l’article 39 dudit règlement.

Signé à Paris, le 23 décembre 2020

Christiane Féral-Schuhl                                              David AMBROSIANO

Présidente                                                                       Président

Conseil national des barreaux                                         Conseil supérieur du notariat

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