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La rupture du principe d’égalité homme-femme dans le cadre du divorce en droit marocain

15/09/2020

Un air de réforme se fait sentir dans plusieurs domaines du droit. Le droit marocain ressemble depuis quelques années à un grand chantier confirmé par la mise en place d’une commission chargée de réfléchir sur le nouveau modèle de développement, sous la responsabilité de Monsieur Chakib Benmoussa, qui a une parfaite connaissance, notamment du fait de son passage au Ministère de l’Intérieur et au Conseil Economique, Social et Environnemental, des questions sensibles aujourd’hui au-devant de la scène. Le droit de la famille et la question de l’égalité homme-femme n’est pas en reste. De nombreuses revendications sont brandies, en faveur d’une amélioration de la situation de la femme en général, et de la femme mariée ou de la mère célibataire en particulier.

La Constitution marocaine, loi suprême du pays, affirme, dans son article 19 le principe d’égalité de l’homme et la femme. Le principe d’égalité est l’un des piliers des droits de l’homme et doit être appliqué sans distinction de race, d’âge, de sexe, de couleur, d’opinion politique, ou de religion. Les citoyens femmes et hommes doivent ainsi jouir des mêmes droits et assumer les mêmes obligations. Ce phénomène n’est pas propre au Maroc et engendre un mouvement international de dénonciation des inégalités de genre et leurs conséquences. En principe, les indicateurs d’une égalité de genre sont présents dans divers textes hormis la Constitution, puisque les hommes et les femmes ont un droit égal à l’éducation, au travail, au commerce, ou en matière de droits politiques. C’est ainsi que le Maroc est signataire de la Convention sur l’Élimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Égard des Femmes et la Convention Internationale des Droits de l’Enfants, censées servir de référence pour la mise en place de politiques publiques en la matière.

Ce principe d’égalité reste néanmoins peu appliqué et peu présent dans la législation relative au statut personnel, et principalement le Code de la famille, inspiré par la Charia et dont la réforme reste parmi les plus sensibles au regard du caractère de droit divin d’une partie importante de ses dispositions.

La femme marocaine se trouve en situation de vulnérabilité : les femmes en situation précaire isolées et dépourvues du soutien et de l’encadrement nécessaires à améliorer leur état, les femmes âgées notamment veuves ou divorcées, les femmes handicapées, les mères célibataires, ou encore les femmes détenues.

Le Code de la famille marocain actuellement applicable a été promulgué par Dahir numéro 1.04.22 du 3 février 2004, avec pour objectif d’élever le niveau d’équité entre l’homme et la femme au sein de la famille et d’apporter une meilleure protection des intérêts des femmes en situation de vulnérabilité et des enfants, sans pour autant y parvenir pleinement. Il s’agissait à ce moment d’un message fort du Souverain, que Dieu le garde, qui, cinq ans seulement après son accession au trône a fait réformer le Code de la famille afin de permettre une amélioration de la situation de la femme, comme il a œuvré fortement à améliorer son image dans de nombreux domaines, y compris dans le cadre de leur rôle politique, par l’attribution de portefeuilles ministériels, par la lutte contre l’analphabétisme qui touchait plus de 60% des femmes, ou dans le monde des affaires. « Nous tenons à féliciter les nouveaux élus, et Nous Nous réjouissons du score élevé réalisé par les jeunes les plus qualifiés. Toutefois, le faible niveau de représentation féminine dans les collectivités locales, Nous amène à Nous interroger : jusqu’à quand allons-nous continuer à recourir à la discrimination juridique positive, pour garantir une large participation de la femme aux institutions ? La question exige, sans aucun doute, un renouveau global, par une transformation profonde des mentalités archaïques et de la conscience collective. Elle requiert de laisser à la femme la faculté de s’insérer dans tous les rouages de la vie de la nation, d’autant plus qu’elle a fait la démonstration de ses mérites, de sa droiture et de son dévouement au service de l’intérêt général. » (SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a adressé un message aux participants à la 5-ème Conférence Islamique des ministres chargés de l’enfance, qui s’est ouverte, mercredi à Rabat, sous le thème “Pour une enfance en sécurité”).

Néanmoins, alors que beaucoup s’attendaient à une révolution juridique et sociale, la réalité laisse à désirer. D’un côté, la femme est confrontée à un décalage entre le droit positif qui lui permet de se séparer de son époux à travers une procédure simple et rapide, et la culture marocaine dans laquelle le statut de femme divorcée reste mal vécu, ainsi qu’une position jurisprudentielle qui accable la femme et ne recherche pas l’instauration d’un équilibre entre les droits du père et ceux de la mère. De l’autre côté, la femme jouit de l’avantage du droit de garde, sans que l’équilibre entre ses devoirs à ce titre et ses droits vis-à-vis du père dont les obligations sont limitées ne soit établi. Il s’agit ainsi de rappeler les conditions de promulgation du Code de la famille en vigueur (I), avant de s’interroger sur les dispositions législatives nécessitant une révision afin de préserver les droits de la femme dans le cadre du divorce et établir une égalité entre l’homme et la femme (II).

I- Le nouveau Code de la famille

Le Code de la famille, appelé dans le langage courant « La Moudawana », fait partie des textes qu’il est difficile de réformer. Une grande partie de la réglementation est perçue comme reflétant le droit divin et toute proposition de réforme divise tant les mouvements politiques, que religieux, que les professions concernées. C’est pour cela notamment que Sa Majesté le Roi intervient peu de temps après son accession au trône, en sa qualité de commandeur des croyants, pour permettre la recherche d’un consensus tendant à une amélioration du statut de la femme en tant qu’épouse, que mère, ou que femme divorcée. En effet, depuis 1958, année de sa codification sous Feu Sa Majesté Mohammed V, ce texte n’a connu que deux réformes importantes, malgré la consécration grandissante des libertés individuelles au niveau mondial. Le Code de la famille de 1958 s’inspirait principalement du rite malékite. Les filles pouvaient se marier à l’âge de 15 ans, tandis que les garçons se mariaient à l’âge de 18 ans. La femme devait être représentée par son « wali », tuteur, afin de contracter mariage, ce dont il résultait notamment que le père pouvait marier sa fille quand bon lui semble et à qui bon lui semble. La polygamie était reconnue et la répudiation également. L’évolution de la société marocaine a nécessité de réformer le Code de la famille pour être en phase avec la modernité de la société marocaine, comprenant des épouses et mères actives sur le plan professionnel, ce qui remet en cause le modèle patriarcal qui régnait. Entre autres, l’Union de l’Action Féminine initia une campagne qui rassembla un million de signatures en faveur de la réforme en mars 1992. Suite à cela, les représentants des organisations féministes marocaines furent accueillis au palais royal. Feu Sa Majesté Hassan II a décidé de réformer profondément le Code de la famille en 1993 et promulgua le nouveau code par décret royal le 10 septembre 1993. Cette réforme consistait à mettre fin au mariage sous la contrainte, limiter la polygamie et la répudiation en imposant une autorisation du juge de la famille et à permettre à l’épouse d’obtenir la garde de ses enfants en cas de divorce.

L’insuffisance des avancées ci-dessus, leur inadéquation à la réalité ainsi que l’état de leur application ont conduit à une inévitable nouvelle réforme, aujourd’hui applicable, en 2004. C’est ainsi qu’après le décès du Roi Hassan II, les débats autour de la réforme du Code de la famille s’intensifient. Sa Majesté le Roi Mohammed VI n’est pas seulement « Roi des pauvres », mais également « Roi de l’égalité homme-femme » puisqu’il répond à de nombreuses attentes des femmes en la matière. La participation active de la femme à la vie civique est une priorité qui a porté des fruits, qu’il s’agisse de l’exercice des droits civiques ou de la nomination de femmes dans des postes à responsabilité. Moins d’un mois après son accession au trône, le Roi Mohamed VI s’exprimait en ces termes : « Comment espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués, sans tenir compte des droits par lesquels notre sainte religion les a mises sur un pied d’égalité avec les hommes, des droits qui correspondent à leur noble mission, leur rendant justice contre toute iniquité ou violence dont elles pourraient être victimes, alors même qu’elles ont atteint un niveau qui leur permet de rivaliser avec les hommes, que ce soit dans le domaine de la science ou de l’emploi ? » (Discours du 4e Anniversaire de la Révolution du Roi Et du Peuple, Rabat, 20 août 1999). « Nous avons constitué, à cet effet, une commission consultative composée de divers profils et compétences, chargée de Nous soumettre des propositions sur une réforme substantielle de la Moudawana. Depuis, Nous n’avons cessé de lui prodiguer Nos Hautes Directives, jusqu’à ce qu’elle ait soumis à Notre Haute Appréciation les résultats de ses travaux. » (Discours de SM Le Roi Mohammed VI à l’ouverture de la deuxième année législative de la 7e législature, 10 oct. 2003).

Ainsi, après seulement cinq ans de règne, un nouveau code de la famille voit le jour dont les avancées restent non négligeables. Les apports du texte sont notamment comme suit :
– l’âge minimum légal de mariage pour les filles passe de 15 à 18 ans ;
– le mariage est autorisé par le tribunal et ne dépend plus des adouls ;
– la famille est placée sous la responsabilité des deux époux ;
– la polygamie est rendue encore plus difficile ;
– la répudiation est soumise au contrôle du juge et ne dépend plus des adouls.

Cette réforme a été porteuse d’espoirs pour une évolution de la société marocaine, des mœurs, et de la position de la femme. Ceci, d’autant plus que le Maroc a retiré ses réserves à propos de l’article 9 relatif à la transmission par la femme de sa nationalité à ses enfants et de l’article 16 relatif à la l’égalité de l’homme et de la femme dans les relations conjugales de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Après plus de quinze ans d’application, l’écart entre les attentes d’une partie de la société et les effets de la réforme reste important. L’entrée en vigueur du nouveau Code de la famille ne s’est pas accompagnée des mesures d’information nécessaires, notamment pour les personnes analphabètes et les personnes parlant berbère, qui ne constituait pas à ce moment une langue officielle. Certains sujets soulèvent encore beaucoup de discorde, et l’inégalité économique entre les femmes et les hommes constitue un facteur aggravant les conséquences d’une inégalité face à loi dans le cadre familial comme il sera exposé ci-dessous. Des stéréotypes sont véhiculés constamment dans les médias, les manuels scolaires, etc. et le manque d’information freine une mise en application conforme à l’esprit de la loi. Il en est de même du manque d’indépendance financière de femmes qui, même confrontées à un cas de violence conjugale, vont subir sans pouvoir quitter le foyer conjugal.

C’est ainsi que la société civile réclame une réforme permettant de disposer d’un code de la famille en adéquation avec l’état de la société mais surtout garant de l’égalité homme-femme.

II- Les dispositions législatives nécessitant une révision

Les lacunes que connaît la Moudawana et qui ont montré leurs effets nécessitent la mise en place d’une réflexion sur une réforme permettant d’améliorer l’égalité entre époux ou ex-époux. « Nous nous sommes également employé à consolider la cohésion de la cellule familiale à travers l’adoption d’un Code de la Famille avancé, consacrant le principe de respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et assurant, en toutes circonstances, la protection de ses droits. A cet égard, Nous lançons un appel pour que l’application de ce Code soit accompagnée d’une évaluation propre à corriger les insuffisances révélées par la pratique. »(SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a adressé un message aux participants à la 5e Conférence Islamique des ministres chargés de l’enfance, qui s’est ouverte, mercredi à Rabat, sous le thème “Pour une enfance en sécurité”).

Plusieurs associations, dont l’Union de l’Action Féminine, Association démocratique des femmes du Maroc dénoncent l’inadéquation de certaines dispositions du Code de la famille et de ses modalités d’application à ces principes, et ce, que ce soit dans le cadre des relations conjugales (A) ou dans le cadre des relations parents-enfants (B).

A. L’absence d’égalité dans les relations entre époux

Dans le cadre des relations entre époux ou futurs époux, la pratique a démontré que les problématiques qui ont poussé à la réforme du Code de la famille marocain continuent à exister, d’où la nécessité de réformer ce texte qui a aujourd’hui amplement montré ses limites.

1. Le mariage des mineures

Si l’article 19 du Code de la famille marocain prévoit que la capacité matrimoniale s’acquiert à l’âge de 18 ans tant pour le garçon que pour la fille, l’article 20 du même Code vient permettre au juge de la famille chargé du mariage d’autoriser le mariage avant cet âge par décision certes motivée mais insusceptible de recours. En raison de ces dispositions, les mariages des mineures continuent à sévir, et les autorisations semblent largement accordées, puisque, en 2007, les juges de famille ont accepté plus de 85 % des demandes de mariage précoce (Bencheikh, S. (2009), ‘Moudawana. Quatre ans pour rien ? in Telquel : Le Maroc tel qu’il est, n°311).

Plus de 40.000 filles mineures ont été mariées en 2018 au Maroc sur la base de l’article 20 de la Moudawana, situation dont s’est alarmée Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) lors de la commémoration de la Journée internationale des femmes dans le cadre de la campagne de sensibilisation contre le mariage des mineures, sous le slogan : « Mariage des mineures : Abolir l’exception … rétablir la norme ». Le Haut-Commissariat au Plan confirme ces statistiques : « Le nombre de mineurs mariés avant l’âge de 18 ans a baissé de 12,8% au cours de la dernière décennie, passant de 55.379 personnes en 2004 à 48.291 personnes en 2014. Les filles demeurent les principales concernées par ce type de mariage avec un taux de 94,8% (45.786 filles) du total des unions impliquant des mineurs. En plus, presque le tiers des filles mineures mariées (32,1%) a déjà au moins un enfant et que la grande majorité des filles non célibataires (87,7%) sont des femmes au foyer » ( Note d’information du Haut-Commissariat au Plan à l’occasion de la journée internationale de la femme du 8 mars 2019). Il est légitime de s’interroger sur la réalité du consentement dans le cadre d’une telle union, et donc la validité d’une telle union, puisque le mariage est, selon l’article 4 du Code de la famille, « un pacte fondé sur le consentement mutuel ».

La possibilité de marier les mineures entrave également la scolarité de celles-ci et augmente leur précarité à l’âge adulte en anéantissant leurs chances d’autonomie à l’égard de leurs maris. Il semble ainsi nécessaire de se pencher sur la question du mariage des mineures, voire d’abolir l’article 20 de la Moudawana et supprimer toute exception au mariage avant l’âge de 18 ans révolus.

2. La polygamie

« Si vous craignez d’être injustes, n’en épousez qu’une seule » (Surat Les femmes (Al-Nisa’), verset 3). C’est sur ce fondement sue des restrictions à la polygamie ont été mises en place dans le cadre du nouveau Code de la famille.

Ainsi, en revenant au préambule dudit Code, nous pouvons lire ce qui suit : « En adressant Nos Hautes Directives à cette commission, et en Nous prononçant sur le projet de code de la famille, Nous entendions voir introduire les réformes substantielles suivantes : (…) 4- S’agissant de la polygamie, nous avons veillé à ce qu’il soit tenu compte des desseins de l’Islam tolérant qui est attaché à la notion de justice, à telle enseigne que le Tout Puissant a assorti la possibilité de polygamie d’une série de restrictions sévères. « Si vous craignez d’être injustes, n’en épousez qu’une seule ». Mais le très Haut a écarté l’hypothèse d’une parfaite équité, en disant en substance « vous ne pouvez traiter toutes vos femmes avec égalité, quand bien même vous y tiendriez » ce qui rend la polygamie légalement quasi impossible. (…) dans l’hypothèse d’une interdiction formelle de la polygamie, l’homme serait tenté de recourir à une polygamie de fait, mais illicite. Par conséquent, la polygamie n’est autorisée que selon les cas et dans les conditions légales ci-après : – Le juge n’autorise la polygamie que s’il s’assure de la capacité du mari à traiter l’autre épouse et ses enfants équitablement et sur un pied d’égalité avec la première, et à leur garantir les mêmes conditions de vie, et que s’il dispose d’un argument objectif exceptionnel pour justifier son recours à la polygamie; – la femme peut subordonner son mariage à la condition, consignée dans l’acte, que son mari s’engage à s’abstenir de prendre d’autres épouses: Cette conditionnalité est en fait assimilée à un droit qui lui revient . A cet égard, Omar Ibn Khattab, – que Dieu soit satisfait de lui – a dit : « Les droits ne valent que par les conditions y attachées », « le contrat tient lieu de loi pour les parties » (Pacta Sunt Servanda). En l’absence d’une telle condition, il lui appartient de convoquer la première épouse et demander son consentement, aviser la deuxième épouse que son conjoint est déjà marié, et recueillir également son assentiment. En outre, il devrait être loisible à la femme dont le mari vient de prendre une deuxième épouse de réclamer le divorce pour cause de préjudice subi. »

Ainsi, selon l’article 40 : « La polygamie est interdite lorsqu’une injustice est à craindre entre les épouses. Elle est également interdite lorsqu’il existe une condition de l’épouse en vertu de laquelle l’époux s’engage à ne pas lui adjoindre une autre épouse. »

L’article 41 prévoit à son tour que : « Le tribunal n’autorise pas la polygamie dans les cas suivants :
 – lorsque le motif objectif exceptionnel n’est pas établi ;
– lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins des deux familles et garantir tous les droits tels que l’entretien, le logement et l’égalité dans tous les aspects de la vie. »

Le Code part d’un principe d’autorisation de la polygamie, assorti d’exceptions : risque d’injustice, engagement de l’époux, un motif objectif exceptionnel non établi ou absence de ressources suffisantes de l’époux. Le cas échéant, la polygamie est autorisée par le tribunal, en présence de la première épouse (articles 42 et 43) par décision motivée mais non susceptible de recours, la première épouse ayant le droit de demander le divorce en cas de refus d’une situation de polygamie autorisée par le tribunal.

Aucune définition n’est faite aux notions d’ « injustice » et de « motif objectif exceptionnel » qui sont laissées à l’appréciation du juge. À la lecture du Code, il suffit qu’il y ait une injustice « à craindre ». L’on s’interroge ainsi sur les conditions d’appréciation de ce risque qui existe dans tous les cas de polygamie qu’elles soient ou non autorisées par le Tribunal. Aussi nous nous interrogeons sur l’argument relatif à une limitation des relations hors mariage qui ne semble pas avoir d’effet.

De ce fait, la pratique reste très diversifiée sur les motifs de polygamie. Si un tribunal a pu refuser une demande d’autorisation de mariage basée sur le fait que la première épouse présentait un problème de ronflement ( TPI Oujda, 23/01/2017, dossier n° 3034/2016), il a pu être autorisé pour cause de diabète de la première épouse (TPI Nador 16/05/2019, dossier n° 16222/05/2012).

Où place-t-on alors les valeurs devant accompagner l’union ?

Enfin, l’article 16 de la Moudawana relatif à la régularisation du mariage coutumier a constitué une autre porte ouverte vers la polygamie, puisqu’il permettait, sur la base d’une preuve d’une union de fait,de voir reconnaître le « mariage coutumier », notamment en présence d’un enfant issu dudit mariage : « Attendu que l’article 16 du code marocain de la famille prévoit que le tribunal admet, lors d’une action en reconnaissance de mariage, tous les moyens de preuve et en prenant en considération l’existence d’enfants. Attendu qu’il s’est avéré au tribunal, après examen des documents contenus dans le dossier, notamment le certificat administratif produit à l’effet de justifier l’existence de lien conjugal, la déposition des témoins sus-nommés ainsi que l’aveu du demandeur à l’audience d’enquête, que xxxx est effectivement marié à xxxx depuis janvier 2007 à ce jour inclus et que de leur union est né l’enfant xxxx, le 27/11/2007 ;  Attendu, compte tenu de ce qui précède, que la requête du demandeur est fondée sur une base légale et digne de lui faire droit ainsi qu’il sera annoncée dans le dispositif du présent jugement et ce, après délivrance, à lui, d’une autorisation de polygamie pour être encore marié à la nommée xxxx » (Jugement du TPI de Berkane du 16 juill. 2009, dossier n° 9/2009, jugement n° 1220).

Cette procédure n’est plus en vigueur depuis 2019, mais nous rappelle que des portes à la polygamie existent et qui sont contraires à l’esprit du texte.

Ceci amène à s’interroger sur la nécessité d’une interdiction absolue de la polygamie, comme c’est le cas en Tunisie. Ce pays a néanmoins introduit la laïcité dans son droit positif, ce qui permet de séparer Etat et religion, ce qui n’est pas le cas au Maroc. De plus, une interdiction de la polygamie peut être interprétée par les mouvements conservateurs comme allant à l’encontre de la Charia.

Une seconde solution serait alors un encadrement plus strict des autorisations avec un énoncé des cas dans lesquels celle-ci peut être accordée et un référentiel d’évaluation de l’existence ou non des moyens matériels suffisants pour subvenir aux besoins de deux familles ou plus.

3. Procédure de répudiation et de divorce par compensation

C’est également en Tunisie que la répudiation n’existe plus en droit positif, contrairement au droit marocain, où cette institution existe toujours, même si elle est encadrée par le Code de la famille dans ses articles 78 et suivants, l’article 89 permettant à l’époux de consentir un droit d’option à l’épouse. Le mot « répudiation » est néanmoins aujourd’hui absent du Code de la famille. Ce mode de divorce passe par une autorisation du tribunal avec une phase de conciliation comme c’est le cas du divorce pour discorde. Se pose la question de connaître le motif de son maintien, puisqu’il serait plus adéquat de catégoriser les modes de divorce sans distinction de genre : divorce par consentement mutuel, divorce pour discorde et divorce pour faute. Il en est de même du divorce par compensation prévu par les articles 119 et suivants du Code de la famille, qui consiste à mettre fin au mariage en contrepartie du paiement par l’épouse d’un montant déterminé.

4. La question de la perte du droit à la Moutaa en cas d’introduction de la requête en divorce par l’épouse

Nous regrettons l’interprétation que les juges font du divorce pour discorde ou Chikak. Nombre d’entre eux le considèrent comme un divorce pour préjudice et demandent ainsi à la femme de prouver le préjudice, tout en sachant que le divorce entraîne un appauvrissement de l’épouse, voire une précarité lorsque celle-ci ne travaille pas ou qu’elle a la charge des enfants. Ces dispositions font renoncer nombre d’épouses à demander le divorce, comme elles poussent des époux au harcèlement pour pousser leurs épouses à faire la demande afin d’échapper au paiement de la Moutaa. Il est ainsi nécessaire de remédier cette incohérence et mettre en place des critères objectifs et clairs de fixation de cette pension, permettant de connaître ce à quoi peuvent s’attendre les épouses.

5. L’absence de prestation compensatoire

Le Code de la famille marocain ne prévoit pas le versement d’une prestation permettant de rééquilibrer la situation financière des époux en cas de divorce, notamment dans un système juridique de séparation des biens. Alors que les études en matière de sociologie de la famille dénoncent, depuis les années 60, l’impact sur le rôle des époux dans la famille sur la disparité de ressources et la nécessité d’y remédier (J. COENEN-HUTHER, Dominance et égalité dans les couples, Cahiers du Genre, n° 30, 2001, pp. 179 à 204), la contribution des femmes sous la forme du travail domestique et des soins aux enfants et aux personnes âgées et malades de la famille n’est pas prise en considération et aucune solution n’est mise en place pour rééquilibrer la situation en cas de divorce.

Après le divorce la femme subit plus que l’homme une réduction importante de son niveau de vie, d’une part, à travers un coût direct à court terme relatif notamment aux frais procéduraux, à la réduction de son niveau de vie en raison de la baisse des économies d’échelle et, d’autre part, du fait du coût indirect consécutif à la perte des investissements faits pendant le mariage (2 A.-M. LEROYER, Réduire les asymétries de genre dues au divorce, INED, 2016/3 Vol. 71, pp. 533 à 535).

Ceci est d’autant plus important qu’en présence d’enfants issus de cette union, l’épouse, comme il sera démontré, refusera de se remarier, ce qui permettrait d’alléger le fardeau financier, afin de ne pas perdre la garde de ses enfants.

Il serait nécessaire d’envisager le divorce sous l’angle de ses effets financiers d’après-divorce qui peut avoir de lourdes conséquences.

6. L’absence de partage des biens acquis pendant le mariage

Le régime matrimonial de droit marocain est régi notamment par l’article 49 du Code de la famille selon lequel : « Chacun des deux époux dispose d’un patrimoine distinct du patrimoine de l’autre. Toutefois, ils peuvent dans le cadre de la gestion des biens à acquérir pendant la relation conjugale, se mettre d’accord sur le mode de leur fructification et répartition. Cet accord est consigné dans un document séparé de l’acte mariage. Les adouls avisent les deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes. A défaut d’accord, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumées pour le développement des biens de la famille. »

La répartition des biens acquis durant le mariage reste problématique. Le contrat est optionnel et les Adouls n’informent pas systématiquement les époux sur la question au moment de la conclusion de l’acte de mariage. Le contrat de gestion des biens familiaux reste ainsi peu ou pas utilisé et les épouses n’ayant pas pris de dispositions lors du mariage pour s’assurer un logement en nom propre se trouvent sans logement après le divorce et souvent sans moyens financiers pour subvenir à leur besoin. Quand bien même le contrat serait mis en place, l’article 49 du Code de la famille reste vague, sur la définition des travaux contribuant au développement du patrimoine familial, sachant que les travaux ménagers restent souvent aujourd’hui de la responsabilité de l’épouse et doivent être pris en compte. L’association Global Rights a émis, en 2012, des recommandations tendant à rendre plus effectives les dispositions de l’article 49 (Global Rights, Reforming marriage contracs procedures to promote women’s human rights, 2012) :
▪ prévoir la signature du contrat de mariage dans un lieu approprié pour la rédaction des contrats de mariage (non pas la salle de fêtes ou chez l’un des époux) afin que les futurs époux puissent discuter de leurs droits et obligations, avec suffisamment d’espace et d’intimité ;
▪ simplifier les procédures à travers un guichet unique ;
▪ absence des familles aux discussions relatives au contrat de mariage ;
▪ informer les futurs époux ;
▪ coûts raisonnables pour la rédaction des contrats, avec éventuellement un modèle de contrat émanant du Ministère de la Justice ;
▪ formation des intervenants et mise en place d’un régime de responsabilité civile professionnelle ;
▪ mettre en place une campagne massive de communication sur la question.

7. L’absence de dispositions particulières dans le Code de la famille en cas de violences subies par l’épouse

La révision partielle du Code pénal en juillet 2003 et la loi 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes ont permis de mettre fin à la discrimination homme-femme en matière des peines pour les infractions liées à un cas de flagrant délit d’adultère, d’aggraver les sanctions en cas de coups et blessures infligés volontairement par l’un des époux à l’encontre de l’autre, ou d’autoriser les professionnels de santé à déroger au secret médical lorsqu’ils constatent des violences entre époux ou à l’égard d’une femme. Néanmoins, le Code de la famille ne traite pas de la question de la violence faite aux femmes rendant ainsi distinctes les procédures au civil et au pénal, sans possibilité de prendre des mesures pénales lorsqu’une procédure de divorce fait ressortir l’existence de violences conjugales. La violence ne s’arrêtant pas à l’introduction d’une requête en divorce, il est nécessaire prévoir une procédure d’urgence permettant à la victime de violences telle que décrites par l’article 1er de la loi 103-13 d’obtenir une ordonnance de protection devant la juridiction civile saisie ou non du divorce.

Il convient également de prendre en compte la question de la violence de l’époux dans la détermination des modalités de divorce et leurs conséquences sur les relations entre époux et sur les mesures relatives aux enfants.

8. L’absence d’un dispositif efficace de médiation ou de règlement amiable

Dans le cadre de la procédure de divorce, une phase de conciliation est prévue par la désignation d’arbitres de part et d’autre permettant de tenter de concilier les époux. La pratique démontre l’insuffisance de telles dispositions qui sont bien souvent appliquées de manière purement formelle. La sauvegarde de l’institution familiale nécessite un effort plus important consistant en la mise en place d’un dispositif de règlement amiable, à savoir, médiation ou conciliation, avec un médiateur ou conciliateur dont la mission consisterait à tenter d’aider les époux à remédier aux différends les opposant.

Plusieurs pays ont mis en place un recours systématique à la médiation familiale avec l’intervention de médiateurs formés et spécialisés avec des résultats satisfaisants. Le ministère de la Justice canadien a réalisé un sondage aux résultats suivants :
« ▪ 84 % des parents ont conclu une entente avec leur ex-conjoint lors de leur démarche de médiation familiale ;
▪ 81 % des parents sont satisfaits des services obtenus, entre autres du fait que les démarches sont faciles à effectuer (97 %) et que la médiation tient compte de l’intérêt de leurs enfants (90 %) ;
▪ 90 % des répondants auraient de nouveau recours à ces services si le besoin se représentait. »

Ce succès est dû notamment à la fonction de la médiation familiale qui permet d’apaiser les tensions et de rétablir une communication efficace entre les parents.

B. L’absence d’égalité dans les relations avec les enfants

Plusieurs dispositions du Code de la famille consacrent la nécessaire sauvegarde des intérêts de l’enfant dans le cadre de la détermination des mesures relatives aux enfants lors du divorce.

La protection des droits de l’enfant constitue également un cheval de bataille bénéficiant d’une attention particulière du Souverain : « (…) Nous nous sommes également employé à consolider la cohésion de la cellule familiale à travers l’adoption d’un Code de la famille avancé, consacrant le principe de respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et assurant, en toutes les circonstances, la protection de ses droits. A cet égard, nous lançons un appel pour que l’application de ce Code soit accompagnée d’une évaluation propre à corriger les insuffisances révélées par la pratique (…) » (Message officiel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, adressé le 21 févr. 2018 (Rabat) à la conférence des ministres des pays de l’ISESCO chargés de l’enfance).

La question de la protection de l’intérêt de l’enfant reste étroitement liée à la problématique de l’égalité homme-femme comme cela sera démontré.

1. La tutelle sur les enfants

Selon l’article 231 du Code de la famille : « La représentation légale est exercée par :
– le père majeur ;
– la mère majeure à défaut du père ou par suite de la perte de la capacité de ce dernier ;
– le tuteur testamentaire désigné par le père ;
– le tuteur testamentaire désigné par la mère ;
– le juge ;
– le tuteur datif désigné par le juge. »

Le Code de la famille marocain, alors que l’éducation des enfants est de la responsabilité conjointe des parents, prévoit ainsi une hiérarchie entre la mère et le père, puisque ce dernier restera le représentant légal sauf absence ou incapacité. En pratique, ceci entrave la vie des mères divorcées ou célibataires, ayant la garde de l’enfant, et qui sont, malgré cela, dans l’obligation de recourir à un père parfois absent sur tous les aspects de la vie juridique de l’enfant. La loi n°37-99 portant sur l’état civil a atténué les choses en introduisant les avancées suivantes :
– le droit de la mère de déclarer la naissance ;
– le droit de l’enfant né de père inconnu à un nom fictif ;
– l’introduction des données relatives au mariage et au divorce dans le livret d’état civil ;
– et le droit de la femme divorcée ayant la garde des enfants d’obtenir un duplicata du livret de l’état civil.

Des pratiques administratives contraires à la loi persistent néanmoins comme l’autorisation du père pour scolariser l’enfant ou l’obligation pour une femme mariée d’obtenir l’autorisation du père de ses enfants pour voyager en compagnie de ces derniers. Il s’avère ainsi nécessaire de revoir, dans un strict respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et du principe de l’égalité homme femme, cette hiérarchie au profit d’une stricte égalité des père et mère.

2. Le niveau de la pension alimentaire qui ne reflète pas un partage équitable des charges de l’enfant

La pension alimentaire est une problématique au cœur de la question du divorce. Des mères peuvent renoncer à divorcer voire accepter des conditions de vie conjugale violentes en raison de leur incapacité de subvenir aux besoins de leurs enfants.

Selon l’article 85 du Code de la famille : « Les droits à pension alimentaire dus aux enfants sont fixés conformément aux articles 168 et 190 ci-dessous, en tenant compte de leurs conditions de vie et de leur situation scolaire avant le divorce. »

L’article 189 intègre dans le cadre de la pension alimentaire l’habillement, l’alimentation, les soins médicaux, tout ce qui est habituellement considéré comme indispensable ainsi que l’instruction des enfants.

Le texte se contente d’imposer une évaluation avec modération et en tenant compte des revenus de la personne astreinte à la pension alimentaire, de la situation de celle qui y a droit, du cours des prix, et des us et coutumes dans le milieu social dans lequel la pension alimentaire est due.

Il est néanmoins aisé de constater que la réalité reste insuffisante, puisque les montants octroyés sont insuffisants et les moyens de recouvrement parfois inexistants. Pourtant, l’article 198 du Code de la famille prévoit que c’est au père de subvenir aux besoins de ses enfants jusqu’à la majorité ou jusqu’à vingt-cinq ans révolus en ce qui concerne les enfants poursuivant leurs études. Le non-paiement de la pension pendant un mois ou plus est également passible d’emprisonnement d’un mois à un an d’une amende de 200 à 2.000 dirhams ou l’une de ces deux peines seulement (C. fam., art.  202 et C. pr. pén., art. 480).

Néanmoins, le rapport coût de recouvrement/pension recouvrée est tel qu’il décourage souvent les mères à y procéder et le paiement de la pension dépend du bon vouloir du père

L’article 191 du Code prévoit pourtant que : « Le tribunal détermine les moyens d’exécution du jugement de condamnation à la pension alimentaire et des charges de logement à imputer sur les biens du condamné, ou il ordonne le prélèvement à la source sur ses revenus ou sur son salaire. Il détermine, le cas échéant, les garanties à même d’assurer la continuité du versement de la pension. » En pratique cet article reste lettre morte, d’où, devant les difficultés rencontrées par les mères pour le recouvrement de la pension alimentaire, la création, en 2002, d’un fonds de garantie de paiement des pensions alimentaires afin de garantir le paiement de la pension alimentaire fixée par un jugement exécutoire. Cette mesure n’est toutefois pas encore entrée en application et reste aujourd’hui sans utilité.

Quant à la sanction pénale, il s’agit d’une décision malheureusement lourde de conséquences que la mère prend péniblement.

Comme précisé ci-dessus, le divorce engendre un appauvrissement important pour la personne chargée de la garde des enfants et qui se trouve dans l’obligation de subvenir seule, ou avec une contribution de l’autre époux, aux besoins des enfants. Cette question revêt ainsi un caractère primordial et nécessite que soient revus :
▪ les niveaux de la pension alimentaire et la précision des critères de la détermination de son montant ;
▪ les procédures de recouvrement de la pension alimentaire, avec une simplification de celles-ci et une gratuité voire un coût réduit pour la créancière ;
▪ les sanctions du non-paiement de la pension alimentaire.

3. Le droit de garde et le droit de visite

L’article 171 du Code de la famille dispose : « La garde est confiée en premier lieu à la mère, puis au père, et puis à la grand-mère maternelle de l’enfant. A défaut le tribunal décide en fonction des présomptions dont il dispose, à l’effet de protéger l’enfant, d’attribuer la garde à l’un des proches parents les plus aptes à l’assumer, tout en assurant à l’enfant gardé un logement approprié, au même titre que l’obligation de pension alimentaire. »

Le droit de garde est octroyé en priorité à la mère, sans que le Code ne fixe les critères de cet ordre. Le père dispose dans ce cas d’un droit de visite sans adaptation à la situation du père, en général fixé tous les dimanches, engendrant d’importantes entraves dans le quotidien de la mère, sachant qu’il n’est pas systématiquement prévu de période pendant laquelle la personne ayant la garde de l’enfant en est libérée.

Le droit marocain ne prévoit pas la possibilité de mettre en place un système de garde partagée pour les enfants dont l’âge le permet et dont les parents peuvent assumer ce mode de garde lorsqu’il est conforme à l’intérêt de l’enfant. Il est tant dans l’intérêt de l’enfant de parents sains que dans l’intérêt du père qui peut ainsi développer une relation solide avec ses enfants, que de la mère qui voit sa charge allégée, de prévoir un droit de garde partagée. Ceci, sans oublier l’outil que représente l’article 184 du Code de la famille, selon lequel « le tribunal prend toutes mesures qu’il estime adéquates, y compris la modification de l’organisation de la visite ainsi que la déchéance de la garde en cas de manquement ou de manœuvres frauduleuses dans l’exécution de l’accord ou de la décision organisant la visite. »

Il convient néanmoins de préciser que les notions auxquelles renvoie cet article sont vagues et nécessitent définition, sachant qu’il est en pratique possible de contester le droit de garde lorsque l’époux exerçant le droit de visite se prévaut de trois entraves à son exercice.

Néanmoins, le non-exercice ou l’exercice du droit de visite sans en respecter les horaires ne sont pas sanctionnés.

L’équité et le principe d’égalité homme-femme nécessitent de revoir les conditions d’exercice du droit de visite pour l’assortir d’obligations déterminées et sanctionner un exercice du droit de visite non respectueux desdites conditions.

4. La perte du droit de garde en cas de remariage de la mère

Le Code de la famille prévoit la possibilité de déchéance du droit de garde pour la mère, sous certaines conditions, en cas de remariage ou de déménagement dans une localité autre que celle du mari.

Selon les alinéas 1 et 2 de l’article 166 du Code de la famille : « La garde de l’enfant se prolonge, aussi bien pour le garçon que pour la fille, jusqu’à l’âge de sa majorité légale. Lorsqu’il est mis fin à la relation conjugale, l’enfant qui a atteint l’âge de quinze ans révolus, a le droit de choisir lequel de son père ou sa mère assumera sa garde. »

Ces dispositions sont dénoncées par les associations de protection des droits de la femme et de l’enfant pour leur violation du principe constitutionnel d’égalité homme/femme, puisque l’époux qui se remarie ne fait pas l’objet de déchéance de son droit de garde, et que l’intérêt de l’enfant n’est pas retenu comme critère essentiel. Néanmoins, souvent, le maintien de la garde avec la mère, malgré son mariage peut servir l’intérêt des enfants, puisqu’il assure le maintien d’une stabilité ; ce qui pousse à s’interroger sur la raison ayant incité le législateur à investir le juge de la famille d’un tel pouvoir connaissant l’impact qu’une telle décision pourrait avoir sur la vie des enfants. Ceci conduit également les mères à des mariages religieux sans établissement d’acte civil ou au maintien de relations hors mariage afin de ne pas perdre la garde de leurs enfants.

Sur les conditions de cette déchéance, néanmoins, il convient de rappeler les dispositions de l’article 176 du Code de la famille : « Est déchue du droit de garde, la personne ayant vocation pour exercer ce droit et qui a gardé le silence durant une année après qu’elle ait eu connaissance de la consommation du mariage de la femme à qui est confiée la garde de l’enfant, sauf en cas de motifs impérieux. »

Se pose également la question de la preuve dans ce cas de la connaissance par la personne souhaitant soustraire la garde à la mère de la consommation du mariage par celle-ci.

Enfin, en cas de retrait du droit de garde, la mère peut se retrouver privée du droit de visite jusqu’à une décision statuant sur cette question, ce qui représente un grand bouleversement dans la vie de l’enfant.

Que ce soit considéré dans le sens de l’intérêt de l’enfant ou celui des droits de la mère, ceci constitue une priorité dans le spectre des mesures à réformer au sein du Code de la famille.

Maître Zineb Naciri Bennani

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