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Aucun texte n’interdit d’être pédophile

05/06/2020

La pédophilie fait partie de la sexualité humaine ;  se soigne-t-elle ? Comment la gérer pour assurer le mieux possible la protection des mineurs : entre condamnation,aide et médiation réparatrice.

Qu’est ce qui n’a pas encore été dit et entendu sur la pédophilie alors que rien  n’a vraiment changé dans les faits pour ceux qui en sont victimes : des invisibles,  des enfants muets ! Un enfant sur cinq serait victime d’acte  pédophile, c’est-à-dire qu’il vit et grandit dans l’effroi sexuel ;

« La moyenne d’âge est de 10 ans : 20 % de garçons et 80 % de filles. Seulement 4% de plaintes dont 70 % sont classés sans suite et  seulement o,3 % aboutiront.  L’impunité est quasi totale » (réf : émission LCP du 05/03/2020 « enfance volée, chronique d’un déni », propos de Muriel Salmona psychiatre).

On ne peut pas changer le monde mais on peut dire la vérité pour ne pas « ignorer ce que l’on ne sait pas » (adage populaire ) .

Qu’est ce qu’être pédophile ?

Le pédophile est une personne qui est attirée sexuellement par les enfants.

L’hétérosexuel est une personne qui est attirée sexuellement par le sexe opposé .

L’homoséxuel est une personne qui est attirée sexuellement par le même sexe .

Si l’homosexualité a pu être interdite, persécutée jusqu’à être soignée en psychiatrie (ce qu’elle est toujours le cas dans certains pays), il n’en n’a jamais été de même pour le pédophile.

Il est dorénavant acquis que vouloir soigner l’homosexuel(le) est une absurdité. Et donc vouloir soigner le pédophile est tout aussi absurde tout comme l’interdire dans des textes le serait. La pédophilie a toujours existé puisque c’est en fait une caractéristique sexuelle inhérente à la personne humaine dont elle n’est pas responsable tout comme l’hétérosexuel ou l’homosexuel n’est pas responsable de sa nature sexuelle.

La pédophilie faisant aussi partie de la sexualité humaine comment gérer la sexualité du pédophile qui s’exerce sur un sexe de mineur ?

Ce qui est interdit c’est le passage à l’acte.

Le passage à l’acte d’un pédophile est un acte répréhensible puni par la loi et cela ne date pas d’aujourd’hui : « déjà réprimé au XVIIIe siècle » (réf. Arlette Farge, France Inter boomerang 05/02/2020 : Au XVIIIe  siècle les femmes à Paris étaient écouté – La matinale du Monde 28/02/2020, « quand l’éloge de la pédophilie avait pignon sur rue »).

Le pédophile a connaissance de cette interdiction ; il va devoir, pour exercer sa sexualité, agir, se comporter comme un criminel. C’est-à-dire comme tout délinquant ou criminel  « de droit commun »  dans le sens de non sexuel ; en fait, comme le ferait par exemple un cambrioleur, certains comme des très grands cambrioleurs comme des criminels d’envergure (exemples récents : Jean Vanier, directeur de l’Arche ; Le Scouarnec, chirurgien ; le curé de l’Oise  Matassoli assassiné par une de ses victime Alexandre 19 ans , violences sexuelles dans l’église , dans le sport).

Le pédophile prémédite, ruse, élabore des stratégies, s’organise, manipule, menace, intimide en sachant qu’il peut  compter sur le silence des enfants et l’incrédulité des adultes qui ne peuvent pas croire à l’impossible.

Toute sa vie va être focalisée sur comment jouir, c’est-à-dire  enfreindre la loi sans se faire prendre.

Il se présente comme un homme bien sous tout rapport, il séduit la mère, le plus souvent célibataire pour assouvir son désir sexuel d’enfant dont il fait un objet érotique. Il  choisit ses victimes : timides, obéissantes, bien élevées. Il acquiert la confiance de l’enfant en s’appuyant sur la confiance qu’il a inspiré à la maman laquelle est l’instrument du pédophile. Pour arriver à ses fins, il choisit sa victime selon des critères d’âge et d’apparence physique.

Les pédophiles savent que les enfants ont un désir de tendresse, d’amour protecteur et de soins.

La réponse du pédophile est passionnelle et sexuelle .

Et tout comme être un « petit » ou  un   grand « cambrioleur », être  un pédophile ça ne se soigne pas.

Comment parer le passage à l’acte ?

En considérant et en traitant  judiciairement le délinquant sexuel comme tout autre délinquant, c’est-à-dire que la preuve ne doit pas reposer sur l’unique parole de la victime. Et en considérant et en traitant la victime comme une mineure et non comme une adulte. Ce n’est pas à la victime de démontrer qu’elle est victime.

Le principe de précaution doit imposer que le mineur soit cru, c’est-à-dire qu’il faut enquêter comme si ce qu’il dit est vrai, ce qui ne veut pas dire que le mis en cause soit présumé coupable : il reste innocent tant que la preuve n’est pas rapportée. Et la preuve doit émaner des pouvoirs d’enquête et d’investigations de la Justice :

  • sur la victime : enquête auprès du voisinage, de l’école, de la médecine scolaire, du médecin traitant, du pédiatre et tout autre utile à la manifestation de la vérité ;
  • sur le présumé auteur : pratiquer les écoutes téléphoniques, les filatures, les perquisitions en tous lieux fréquentés  privés et professionnels, enquête auprès des collègues de travail, des proches, des voisins, des autres enfants qu’il côtoie : il ne faut pas confondre délation, dénonciation et signalement.

La parole du mineur doit être recueillie avec toutes les précautions qui doivent être prises dans toutes les  affaires  le concernant (réf :  « L’écoute de l’enfant par qui, comment » par Anne Marion Cayeux ; Compte rendu du colloque du 14 juin 2019 sur l’expertise en pédo-psychiatrie et psychologie de l’enfant ;  Nathalie Schmeleck avocate pénaliste : propos recueillis par Paul Conge, Marianne.net 11 mars 2020 ; « La parole n’est pas un élément tangible », in « Justice, emprise et consentement », par Véronique Le Goazou, Libération du 23 janv. 2020).

L’écoute de l’enfant est tout un art et il ne doit donc pas être écouté comme une victime  adulte de droit commun ou non à qui on fait répéter, préciser plusieurs fois les faits dans leur moindre détail pour en contrôler la véracité.

L’enfant victime peut avoir une parole délirante et mensongère si on n’a pas su l’entendre correctement ou trop tard, et la maltraitance peut se poursuivre et les perversions se multiplier  si on n’a pas su  entendre correctement sa parole parce qu’on n’a pas enquêté (Anaïs Coignac, L’office central pour la répression contre les violences aux personnes, thème majeur, moyens mineurs, Dalloz actualité, 6 mars 2020) .

Cessons de confronter la petite victime à son agresseur, de l’interroger par le menu sur des gestes dont elle a horriblement honte, ce qui la traumatise tout autant que de les subir, avec l’angoisse que, si les poursuites ne suivent pas sur le champ, elle se retrouve entre les mains de son prédateur dont dépend sa survie. Elle doit être sur le champ séparée de son agresseur présumé avec impossibilité de prise de contact et de mise en relation.

Le jugement et la condamnation 

Si la preuve émane du procureur et non de la seule parole de la victime, la personne renvoyée en jugement pourra plus difficilement nier et l’audience sera moins éprouvante pour le mineur.

S’il reconnaît les faits (ce sera parce qu’ils sont très difficilement contestables), ne pas en tenir compte pour alléger la peine et les mesures qui vont avec (cf. affaire Le Scouarnec).

Sachant que la pédophilie ne se soigne pas, il convient de ne pas minimiser la peine sous prétexte qu’il serait susceptible d’être soigné !

Sachant que l’on peut difficilement renoncer à sa sexualité, il ne faut pas le croire lorsqu’il prétend se repentir  et ne pas recommencer.

On ne renonce pas à sa sexualité, on la gère.

Pour cela il faut commencer par se reconnaître pédophile, c’est-à-dire déclarer son attirance sexuelle et demander à être aidé à la gérer.

Il faut punir et aider en faisant en sorte :

  • qu’il ne soit plus au contact d’enfant (ça paraît évident mais ce n’est pas toujours systématiquement mis en pratique et contrôlé !) ;
  • qu’il se reconnaisse et se déclare pédophile par le biais d’un médecin ou d’un service de police et, comme pour un drogué, un alcoolique, inventer sans cesse une méthode pour qu’il vive une sexualité sans mettre en danger des mineurs.

Ce qui est remarquable c’est que vient d’être lancé le 20 novembre 2019 le numéro 08 06 23 10 63 expérimenté dans les CRIAVS (Centres Ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles) de cinq régions auprès de qui les pédophiles sont invités à se déclarer pour être aidés à se gérer (Catherine Fournier, « On a reçu une douzaine d’appels »  : le timide démarrage du numéro unique pour les personnes pédophiles, France télévisions, 15 mars 2020).

En quoi la reconnaissance par le pédophile de son état peut nous faire progresser dans la protection des victimes vers la médiation réparatrice ?

Cette reconnaissance peut engendrer, d’abord, la révélation par l’auteur de l’identité de victimes encore mineurs ou devenues jeunes adultes ; ensuite, cette révélation est susceptible de générer un traumatisme supplémentaire pour les victimes qui n’avaient pas révélé ces actes subis à leur famille, traumatisme amplifié par la culpabilité de n’avoir rien dit à leurs parents, à leur compagnon/compagne pour de jeunes adultes.

Et puis  la révélation  contraint à un procès.

Pour éviter ces dommages collatéraux ne pourrait-on offrir la possibilité aux victimes d’opter pour une médiation réparatrice (cf. blog de l’ATPF (l’association de thérapie familiale systémique)) ? Médiation restaurative ou réparatrice qui, en tant que telle, assure la confidentialité tout en favorisant une réparation morale et pécuniaire sans le risque de tomber dans le piège de la victimisation et de la médiatisation. Cette médiation réparatrice aussi appelée « restaurative » repose sur un dialogue volontaire entre la victime et son agresseur en présence d’un tiers et peut permettre l’entrée en résilience (Thérapie avec mon bourreau sur magnétobalado,  « Face-à-Face – La 3e personne » inf : télérama du 29 avr. 2020, p. 111).

On sait que la récidive ne sera jamais nulle mais changer les façons de faire est essentiel pour ne plus contraindre les mineurs victimes pour certains à devoir parler en justice, pour d’autres à devoir attendre de retrouver la mémoire, et, pour d’autres encore, de ne plus dépendre de leur agresseur pour parler sans avoir à craindre que leur parole se retourne contre eux.

Et la meilleure attaque n’est elle pas que l’on ne puisse « plus ignorer ce que l’on sait » : sage adage populaire ?

Le 9 mai 2020

Dominique Muraour, médiateure conventionnelle et judiciaire, inscrite sur la liste de la Cour d’Appel d’Aix en Provence, avocate honoraire au barreau de Toulon 

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