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Affaire Mennesson : l’Assemblée plénière a tranché le sort de la mère d’intention !

04/10/2019

Fin du suspens dans l’affaire Mennesson. L’ Assemblée plénière de la Cour de cassation vient aujourd’hui de rendre sa décision. Elle fera date assurément. Et l’on ne peut que saluer la ténacité du couple qui est allé jusqu’au bout de sa démarche.

En attendant les commentaires dans l’AJ famille – en moins d’une heure, j’ai déjà reçu plusieurs propositions de commentaire ! -,  voici le communiqué de presse de la Cour :

Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Dans le cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance étrangers permet de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants.

Les faits – Un couple de Français recourt à la gestation pour autrui en Californie, où la GPA est légale. Les enfants naissent en 2000. Leurs actes de naissance sont établis aux Etats-Unis, conformément aux jugements de la Cour supérieure californienne. Ces actes de naissance réguliers mentionnent les membres du couple comme étant le père biologique et la « mère légale », qui n’a pas accouché. Ils avaient alors été transcrits sur les registres de l’état civil français, avant qu’une procédure en annulation ne soit engagée par le ministère public.

La procédure – En 2011, la Cour de cassation refuse au couple la transcription en France des actes de naissance. En 2014, la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par le couple, condamne la France pour atteinte au droit au respect de la vie privée des enfants. En 2018, la Cour de cassation procède au réexamen de l’affaire : elle saisit la Cour EDH pour avis consultatif quant aux possibilités offertes pour reconnaître l’existence du lien avec la mère d’intention, en dehors de toute réalité biologique. En 2019, la Cour EDH est d’avis qu’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention doit pouvoir être établi, mais laisse les Etats décider du mode le plus adapté.

La question posée à la Cour de cassation –  Le lien de filiation entre un enfant né d’une GPA à l’étranger et le père biologique, d’une part, la mère d’intention, d’autre part, doit-il être reconnu et si oui, par quel moyen ?

La réponse de la Cour de cassation – En droit français, les conventions de GPA sont interdites. Toutefois, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3§1 de la Convention de New York sur les droits de l’enfant) et pour ne pas porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée (art. 8 de la Convention EDH), une GPA réalisée à l’étranger ne peut faire, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Cette reconnaissance doit avoir lieu au plus tard lorsque le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé. Concernant le lien avec le père biologique, il est déjà acquis, depuis 2015, qu’il peut être établi à certaines conditions par la transcription de l’acte de naissance établi dans un pays étranger. Si, en droit français, la filiation peut être établie de différentes manières (acte de naissance, reconnaissance volontaire, adoption, possession d’état, jugement), dans le cas d’une GPA réalisée à l’étranger, le lien avec la mère d’intention doit être établi en privilégiant un mode de reconnaissance qui permette au juge français de contrôler la validité de l’acte ou du jugement étranger et d’examiner les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l’enfant. L’adoption répond le mieux à ces exigences. Toutefois, dans cette affaire spécifique qui dure depuis plus de quinze ans, une procédure d’adoption porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants : celles-ci sont nées depuis plus de 18 ans, leurs actes de naissance ont été établis à l’étranger dans un cadre légal et elles ne peuvent prendre l’initiative d’une adoption, dont le choix revient aux parents. La possession d’état, quant à elle, à supposer que les conditions légales en soient réunies, n’offrirait pas une sécurité juridique suffisante. Dans ce cas particulier, en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants, et alors que la demande en réexamen a pour objet de mettre fin aux atteintes portées à la Convention EDH, la transcription en France des actes de naissance désignant la mère d’intention, avec laquelle le lien est depuis longtemps largement concrétisé, ne doit pas être annulée.

Lire la décision Cass. ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19.053

 

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