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En avant-première, l’interview d’Alexandre Boiché pour AJ famille sur la question de la réserve héréditaire et du droit international privé selon la Cour de cassation

05/10/2017

Aux termes de deux arrêts du 27 sept. 2017 (n° 16-13.151 et 16-17.198), la Cour de cassation a jugé qu’une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire n’était pas en soi contraire à l’ordre public international français.

  1. Pouvez-vous nous expliquer très brièvement, car nous reviendrons sur la question le mois prochain dans lAJ famille, ce que cette solution implique ?

Dans le cadre d’une succession internationale, le juge français peut être amené à appliquer une autre loi que la loi française. Cette loi peut très bien ne pas connaître la réserve héréditaire. La Cour de cassation considère que ce seul fait n’est pas suffisant pour considérer que cette loi étrangère porte atteinte à l’ordre public international français. L’ordre public international est, rappelons-le, une réaction du système juridique français à l’égard du résultat produit par l’application d’une loi étrangère dans une espèce déterminée qui heurterait les principes fondamentaux ou une politique législative essentielle française. La Cour de cassation considère que la réserve héréditaire n’est pas à elle seule d’ordre public et que l’application par les juridictions françaises d’une loi étrangère qui l’ignore est parfaitement admissible, sous la réserve que les résultats concrets de son application ne soient pas incompatibles avec des principes du droit français considérés comme essentiels.

  1. La position de la Cour vous surprend-elle ?

La position de la Cour de cassation n’est pas surprenante. De nombreux pays ignorent la réserve héréditaire. Il n’y a pas de raison d’imposer, à travers le système de la réserve, un mode de partage des successions qui ne serait pas celui de la loi applicable selon nos règles de conflit de lois. Par ailleurs, depuis le 17 août 2015, le règlement européen (UE) no 650/2012 du 4 juill. 2012 harmonise les règles applicables au règlement des successions au sein de l’Union européenne tout en permettant, notamment, à toute personne de choisir sa loi nationale comme loi applicable à sa succession. Dans un tel contexte, écarter toute loi étrangère qui ne connaîtrait pas la réserve héréditaire aurait altéré la mise en œuvre du règlement. Cela n’était pas concevable. La position de la Cour de cassation est donc parfaitement compatible avec cette évolution.

  1. Cela signifie-t-il que l’on pourra déshériter ses enfants ou certains d’entre eux ?

La possibilité de déshériter ses enfants ou certains d’entre eux n’est offerte que si la loi applicable à la succession le permet. Ainsi, il ne sera possible de le faire que si le défunt réside habituellement à l’étranger ou s’il a une nationalité étrangère qu’il désigne en tant que loi applicable à sa succession et qui ne connaît pas la réserve héréditaire. Par ailleurs, la Cour de cassation laisse tout de même au juge une marge d’appréciation, fonction de l’application concrète de la loi étrangère qui pourrait entraîner la mise en œuvre de l’exception d’ordre public international dès lors, notamment, que les héritiers les plus faibles ne seraient pas protégés.

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