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Divorce par consentement mutuel, administration légale, adoption simple, les propositions du 113e Congrès des notaires

19/09/2017

Avec plus de 3000 participants, le 113e Congrès des notaires, qui a débuté hier à Lille, est toujours aussi fédérateur. Il est vrai que le thème de cette année « Familles, solidarités, numérique » avait de quoi retenir l’attention. Les liens, qu’ils soient familiaux, sociaux ou virtuels, sont en pleine évolution. Et dans ce monde mouvant, le notariat entend bien y apporter toute la sécurité nécessaire.

L’ambiance était donc tout à la fois studieuse et joyeuse. Les intervenants, qui se sont succédé, ont chaleureusement été applaudis. Quelques grincements de dents tout de même à l’évocation par la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, de l’installation des nouveaux offices par tirage au sort… Le sujet à l’évidence reste très sensible, tout comme celui de la tarification. Quoi qu’il en soit, fin 2017, la France comptera 12 000 notaires, dont 9 600 libéraux, soit 23 % de plus qu’au début 2015.

Plus que jamais, le notaire se voit comme le grand « pacificateur ». Didier Coiffard, président du Conseil supérieur du notariat, a suggéré à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, plusieurs domaines où le notaire pourrait se substituer au juge, comme l’adoption de l’enfant majeur du conjoint (cf. proposition 3 infra) ou encore le changement du régime matrimonial en présence d’enfants mineurs. Il lui a également soumis d’autres pistes de réflexion et notamment l’élargissement des missions des notaires en matière de sauvegarde des majeurs protégés aux fins d’assurer, par exemple, la fonction de tuteurs aux biens. La Garde des Sceaux n’y a pas répondu directement, mais s’est dit très intéressée par les travaux du Congrès qu’elle suivra de très près. On a cru comprendre que le volet numérique et la compétence développée par les notaires en ce domaine l’intéressaient tout particulièrement.

Précisément, venons-en aux travaux de la première commission sur le volet « Familles », présentés par Mes Delesalle, Gessey et Lotz.

Avant tout, une grande nouveauté cette année : le vote des propositions s’est fait par SMS en tapant 1, pour voter « pour », et 2 pour voter « contre »… Un procédé qui n’était sans nous rappeler certaines émissions télévisées !

Quatre propositions ont donc été soumises au vote de l’assemblée des notaires l’après-midi. Si les trois premières ont été adoptées, la quatrième a été rejetée.

  • Proposition 1 – Pour un acte notarié de constat de divorce par consentement mutuel

CONSIDÉRANT :

. que la loi justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 a instauré un divorce par consentement mutuel sans juge par un acte contresigné par avocats, suivi d’un dépôt au rang des minutes d’un notaire, seul à même de rendre le divorce effectif ;

. que seule la comparution des époux permet de s’assurer du maintien de leur consentement ;

. que la force exécutoire que la loi reconnaît à la convention de divorce suppose que le notaire puisse, non seulement s’assurer des mentions requises par la loi et du respect du délai de réflexion, mais aussi de l’absence d’atteinte à l’ordre public ;

. que l’acte reçu par le notaire, qui porte mention de ce contrôle, pourra produire ses effets dans l’ordre interne et circuler comme tel dans l’ordre international.

Proposition

Que soit complété l’article 229-1 alinéa 2 du code civil actuellement ainsi rédigé :

« Cette convention est déposée au rang des minutes d’un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues aux 1° à 6° de l’article 229-3. Il s’assure également que le projet de convention n’a pas été signé avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article 229-4 ».

En le rédigeant comme suit : « Cette convention est déposée au rang des minutes d’un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues aux 1° à 6° de l’article 229-3. Il s’assure également que le projet de convention n’a pas été signé avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article 229-4, du maintien du consentement des époux en les faisant comparaître et de l’absence de contrariété de la convention à l’ordre public ».

La proposition a été adoptée à plus de 90 %.

Obs. :  Benoît Delesalle m’a assurée qu’il ne s’agissait nullement de raviver la querelle entre notaires et avocats, mais d’assurer la force exécutoire de l’acte, spécialement dans le cadre international. Du reste, a relevé, Nathalie Couzigou-Suhas qui a déjà enregistré 150 divorces par consentement mutuel depuis le mois de janvier, les notaires, sur le terrain, entretiennent de très bonnes relations avec les avocats.

  •  Proposition 2 – Pour une clarification du régime de la clause d’exclusion de l’administration légale

 

CONSIDÉRANT :

. qu’il n’y a, à la lettre de l’article 384 du code civil, de clause d’exclusion de l’administration légale qu’adossée à une libéralité ;

. que la Cour de cassation, sans rompre avec la lettre du texte, tout en cherchant à donner effet à la volonté du disposant, a admis que la clause d’exclusion de l’administration légale puisse être, par elle-même, constitutive d’un legs ;

. que cette analyse pourrait elle-même soulever des difficultés de mise en œuvre ;

. qu’il convient dès lors de modifier la lettre de l’article 384 afin que la clause d’exclusion de l’administration légale puisse, aux termes d’un testament, porter sur les biens que le mineur recueille au titre de la dévolution légale.

Proposition

Modification de l’article 384 du code civil ainsi rédigé

« Ne sont pas soumis à l’administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu’ils soient administrés par un tiers.

Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d’un administrateur légal. […] ».

En le rédigeant comme suit : « Ne sont pas soumis à l’administration légale les biens reçus par le mineur par succession ou libéralité et pour lesquels un tiers administrateur a été nommé.

Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d’un administrateur légal. […].

La proposition adoptée à plus de 90 %.

Obs. : Pierre Murat a relevé qu’il aurait été souhaitable que, dès le premier alinéa, l’on comprenne immédiatement par qui serait nommé le tiers administrateur.

  • Proposition 3 – Pour une simplification et revalorisation de l’adoption simple de l’enfant majeur du conjoint

 

CONSIDERANT

. que dans un objectif de simplification des procédures, l’adoption simple de l’enfant majeur du conjoint pourrait être reçue par le notaire en sa qualité d’officier public, détenteur du sceau de l’État ;

. que l’intervention du juge reste cependant souhaitable en présence d’enfant(s) mineur(s) de l’adoptant ou en cas d’opposition du ou des enfants majeurs de l’adoptant ;

. qu’afin d’éviter que l’adoption ne soit utilisée à des fins autres que l’établissement d’un lien de filiation, il convient en outre de prévoir une fiscalité avantageuse entre beau-parent et enfant du conjoint même en l’absence d’adoption ;

. qu’ainsi l’adoption simple de l’enfant majeur du conjoint sera non seulement simplifiée maris aussi revalorisée.

Proposition

Permettre l’adoption simple de l’enfant majeur du conjoint par acte notarié, sauf :

. en présence d’enfant(s) mineur(s) de l’adoptant ;

. ou en cas d’opposition du ou des enfants majeurs de l’adoptant dûment informé(s).

Aligner la fiscalité applicable entre l’enfant et le conjoint de son parent sur celle applicable en ligne directe, même en dehors d’une filiation adoptive.

La proposition est adoptée à plus de 81 %

Obs. : la réforme de la fiscalité au profit des familles recomposées qu’il y ait ou non adoption de l’enfant du conjoint a pour objectif d’éviter que l’adoption ne soit détournée de sa finalité.

 

  • Proposition 4 : Pour une faculté encadrée de report du paiement de l’indemnité de réduction au profit du conjoint

 

CONSIDÉRANT :

. que la protection du cadre de vie du conjoint survivant constitue souvent une volonté des disposants ;

. que cet objectif doit être concilié avec la préservation des droits des enfants ;

. que la gratification du conjoint survivant en propriété permet d’éviter que s’instaurent sur le logement de la famille tant un démembrement de propriété qu’une indivision, pouvant se révéler l’un comme l’autre économiquement insatisfaisants et source de différends ;

. que le principe est celui de la réduction en valeur des libéralités excessives et du paiement de l’indemnité au jour du partage ;

. qu’il convient en conséquence de permettre au disposant d’accorder à son conjoint une faculté de report de paiement de l’indemnité de réduction au décès de celui-ci.

Proposition

Ajouter à l’actuel article 924-3 du code civil un dispositif ayant l’objet suivant :

La faculté pour le disposant de permettre au conjoint successible dans la libéralité qu’il lui consent de reporter, au jour du décès de celui-ci, le paiement de l’indemnité de réduction dont il pourrait être débiteur mais seulement en ce qu’elle concerne le logement de la famille.

Il y aurait lieu d’établir un acte de liquidation de l’indemnité de réduction, laquelle produirait intérêt au taux légal à compter de cette date.

Seraient également applicables les dispositions de l’article 828 du code civil et les créanciers de l’indemnité de réduction bénéficieraient du privilège de l’article 2374, 3°, du code civil.

La proposition est rejetée à près de 72 %.

Obs. : le vote de l’Assemblée a peut-être été influencé par le professeur Malaurie qui s’est dit franchement hostile à cette proposition. Il préfèrera toujours Cendrillon à sa méchante belle-mère !

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