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Gestation pour autrui : le verdict de la Cour de cassation

06/07/2017

Impossible de transcrire un acte faisant mention d’une mère qui n’est pas la femme ayant accouché. La Cour de cassation a tranché hier… Il est peu probable qu’une évolution législative vienne lever la difficulté. En dépit de ce qui a pu être dit ou écrit, Emmanuel Macron n’entend pas aller au-delà de ce que les juges ont tranché…

Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.495, n° 15-28.597, 11-16.901, 16-16.455

Voici le communiqué de presse de la Cour de cassation pour les quatre arrêts rendus hier en matière de GPA.

► En cas de GPA réalisée à l’étranger, l’acte de naissance peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché
► Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux de son père

Les questions posées à la Cour de cassation 

La loi française prohibe la GPA. Il arrive que des Français partent à l’étranger pour recourir à cette technique de procréation.

Situation n°1 : Conformément à la loi du pays étranger, l’acte de naissance de l’enfant mentionne comme père et mère l’homme et la femme ayant eu recours à la GPA. La paternité de l’homme n’est pas contestée, mais la femme n’est pas celle qui a accouché.
Question : Le couple peut-il obtenir la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance établi à l’étranger alors que la femme qui s’y trouve désignée comme mère n’a pas accouché de l’enfant ?

Situation n°2 : Le père biologique reconnait l’enfant puis se marie à un homme.
Question : Le recours à la GPA fait-il obstacle à ce que l’époux du père demande l’adoption simple de l’enfant ?

Les réponses de la Cour de cassation

Réponse à la situation n°1 : L’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA peut être transcrit partiellement à l’état civil français, en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention.

L’article 47 du code civil ne permet de transcrire à l’état civil français que ceux des actes étrangers dont les énonciations sont conformes à la réalité : il est donc impossible de transcrire un acte faisant mention d’une mère qui n’est pas la femme ayant accouché.

En revanche, la désignation du père doit être transcrite si l’acte étranger n’est pas falsifié et la réalité biologique de la paternité n’est pas contestée (jurisprudences de la CEDH et de la Cour de cassation – cf. infra « Repères  »).

Au regard du droit au respect de la vie privée et familiale des enfants garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation rappelle que :
–  la prohibition de la GPA par la loi française poursuit un but légitime de protection des enfants et des mères porteuses ;
–  la transcription partielle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant, dès lors que les autorités françaises n’empêchent pas ce dernier de vivre en famille, qu’un certificat de nationalité française lui est délivré et qu’il existe une possibilité d’adoption par l’épouse ou l’époux du père.

Réponse à la situation n°2 : Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux du père.

La Cour tire les conséquences :
–  de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ce texte a pour effet de permettre, par l’adoption, l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de procréation (cf. infra « Repères  ») ;
–  de ses arrêts du 3 juillet 2015, selon lesquels le recours à une GPA à l’étranger ne constitue pas, à lui seul, un obstacle à la transcription de la filiation paternelle (cf. infra « Repères  »).

Il appartient toutefois au juge de vérifier que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Repères

Prohibition de la GPA en France  : Toute convention de GPA est nulle d’une nullité d’ordre public (art. 16-7 et 16-9 du code civil).

Transcription en France d’un acte de naissance étranger  : Les Français qui ont eu recours à une GPA à l’étranger demandent souvent à la France la transcription de l’acte de naissance. Cette formalité n’est pas obligatoire mais permet de bénéficier d’actes d’état civil français qui facilitent les démarches administratives du quotidien.

L’acte d‘état civil d’un Français établi dans un pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si cet acte est irrégulier, falsifié ou si les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (article 47 du code civil).

Les conditions de l’adoption  : L’adoption d’un enfant est prononcée par un tribunal, si les conditions légales sont réunies et si celle-ci est conforme à l’intérêt de l’enfant (article 353 du code civil).

L’intérêt supérieur de l’enfant  : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale (article 3 §.1. de la Convention de New-York relative aux droits de l’enfant).

Jurisprudence de la CEDH (GPA et transcription d’acte de naissance étranger)  : L’interdiction de la GPA n’est pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, mais le refus de transcrire la filiation de l’enfant à l’égard du père biologique telle qu’elle apparaît sur l’acte étranger constitue une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée de l’enfant, protégé par l’article 8 de la Convention. En effet, la filiation biologique est un élément fondamental de l’identité de chacun (arrêts Mennesson et Labassée du 26.06.2014),

Jurisprudence de la Cour de cassation (GPA et transcription d’acte de naissance étranger) : Selon la Cour de cassation, la GPA ne fait plus obstacle, à elle seule, à la transcription de l’acte de naissance étranger, dès lors que ce dernier a été régulièrement établi dans le pays étranger et qu’il correspond à la réalité (deux arrêts d’assemblée plénière du 03.07.2015 tirant les conséquences de la jurisprudence de la CEDH – dans ces affaires, les actes mentionnaient comme père l’homme ayant reconnu l’enfant et comme mère la femme ayant accouché).

Jurisprudence de la Cour de cassation (adoption par des couples de même sexe) : Selon la Cour de cassation, le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger ne fait pas obstacle à l’adoption de l’enfant par l’épouse de sa mère, dès lors que les conditions légales sont réunies. En effet, les textes de loi relatifs à l’adoption ne font pas référence au mode de conception de l’enfant (deux Avis de la Cour du 22.09.2014 tirant les conséquences de la loi du 17.05.2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe)

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