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Transsexualisme : deux arrêts de la Cour de cassation du 7 juin 2012

12/06/2012

Les règles relatives à la procédure de modification de la mention du sexe à l’état civil résultent essentiellement de principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation. Par deux arrêts du 11 déc. 1992, la Haute juridiction a jugé que, « lorsqu’à la suite d’un traitement médico-chirurgical subi dans un but thérapeutique une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence. » (Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, n° 91-11.900 et 91-12.373).

Une circulaire du ministère de la justice du 14 mai 2010 (NOR : JUSC1012994C) a indiqué aux magistrats du ministère public qu’ils pourront se montrer favorables aux rectifications d’état civil (C. civ., art. 99) « dès lors que les traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique ou physiologique définitive, associés le cas échéant à des opérations de chirurgie plastique […] ont entraîné un changement de sexe irréversible, sans exiger pour autant l’ablation des organes génitaux ». Elle les invite également à « ne solliciter d’expertise que si les éléments fournis révèlent un doute sérieux sur la réalité du transsexualisme du demandeur » et à fonder, dans tous les autres cas, leur avis sur « les diverses pièces notamment les attestations et comptes rendus médicaux fournis par le demandeur […] qui engagent la responsabilité des praticiens les ayant établis. »

Interrogé sur la notion de « changement de sexe irréversible », le Garde des Sceaux, le 30 décembre 2010, avait fait savoir que cette notion « fait référence à la recommandation n° 1117 du Conseil de l’Europe relative à la condition des transsexuels, citée par le rapport de la Haute autorité de santé « Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge du transsexualisme en France » de novembre 2009. Cette notion est d’ordre médical et non juridique et, selon certains spécialistes, le caractère irréversible peut résulter de l’hormonosubstitution, ce traitement gommant certains aspects physiologiques, notamment la fécondité, qui peut être irréversible. Il appartient aux personnes concernées d’en rapporter la preuve, notamment par la production d’attestations de médecins reconnus comme spécialistes en la matière (psychiatre, endocrinologue et, le cas échéant, chirurgien) et qui les ont suivies dans le processus de conversion sexuelle. Le procureur fonde ensuite son avis, au cas par cas, sur les pièces médicales produites par le demandeur. » (V. égal. Rép. min. n° 14524, JO déb. Sénat 30 déc. 2010, p. 3373).

Par deux arrêts du 7 juin 2012, la Cour de cassation affine sa position tout en se montrant très ferme. Le certificat du médecin doit être précis et constater l’effectivité de l’intervention chirurgicale et l’intéressé doit se soumettre aux opérations d’expertise sollicitées.

Dans les deux cas, la Cour affirme, dans un attendu de principe, que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. Dans les deux cas également, la Cour confirme les décisions de rejet de la demande de rectification de la mention du sexe dans l’acte de naissance.

Dans la première décision, la Cour de cassation décide « qu’après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits, et relevé, d’une part, que le certificat faisant état d’une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire, se bornant à une énumération d’éléments médicaux sans constater l’effectivité de l’intervention, d’autre part, que M. X… opposait un refus de principe à l’expertise ordonnée par les premiers juges, la cour d’appel a pu rejeter sa demande de rectification de la mention du sexe dans son acte de naissance ; que le moyen n’est pas fondé  (10-26.947). Tout aussi exigeante, elle souligne, dans la seconde espèce, que la cour d’appel, « après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits par Mme X… tendant à établir qu’elle présentait le syndrome de Benjamin, qu’elle avait subi une mastectomie totale avec greffe des aréoles et suivait un traitement hormonal, a estimé que le caractère irréversible du changement de sexe n’en résultait pas ; […] elle a pu, dès lors, constatant en outre que Mme X… refusait, par principe, de se prêter à des opérations d’expertise en vue de faire cette démonstration, rejeter la demande de celle-ci » (11-22.490).

À noter la récente étude de droit comparé du Sénat qui présente seize régimes juridiques dans six États d’Europe (Danemark, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède), dans huit États d’Australie et dans deux États d’Amérique latine (Argentine et Uruguay) (Étude de législation comparée n° 223, avr. 2012).                                                                                                                     

Civ. 1re, 7 juin 2012, n° 10-26.947
Civ. 1re, 7 juin 2012, n° 11-22.490

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