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Fiscalité de l’adoption simple : la QPC ne sera pas transmise

09/03/2012

De peur que l’adoption simple ne soit utilisée que pour des raisons purement fiscales, le législateur a neutralisé les effets du lien de parenté créé par l’adoption (sur la question, V. F. Sauvage, « Adoptions simples et successions complexes » et F. Douet, « Les principales conséquences fiscales de l’adoption », in dossier « Adoption simple », AJ fam. déc. 2008). Certes l’article 786 du code général des impôts prévoit quelques exceptions, et notamment « les transmissions en faveur d’adoptés qui, soit pendant leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, auront reçu de l’adoptant des secours et soins non interrompus ». Mais cette exception est d’interprétation stricte » (Rép. min. n° 16973 et 7358, JOAN Q 19 août 2008, p. 7101). Nous avions, dans notre éditorial de mars 2010 (AJ fam. 2010. 99) souhaité que cet article fasse l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. C’est chose faite… seulement la cour d’appel de Paris, le 6 mars 2012, a refusé de la transmettre à la Cour de cassation (RG n° 2011/18183 (QPC)).

L’auteur de la QPC « invoque la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (articles 6,13,16,17), le Préambule de 1946 de la Constitution (point 10), le droit de propriété et la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 et fait valoir que l’article 786 du code général des impôts souffre d’un déficit de proportionnalité entre les moyens employés par le législateur et l’objectif constitutionnel de lutte contre l’évasion fiscale, sans motif d’intérêt général, sans justification objective ou raisonnable, en ce qu’il pose une présomption générale de fraude de l’adoption simple, exproprie l’enfant adopté simple de l’essentiel du patrimoine transmis par l’adoptant lorsqu’il n’entre pas dans les exceptions visées par le texte (not. 786-1, 786-3), crée des discriminations majeures entre les enfants, laisse perdurer des discriminations entre les enfants que le droit civil a abolies, sans motif d’intérêt général, sans justification objective ou raisonnable, réduit le débat devant le juge à la preuve « des secours et des soins non interrompus », sans égard à la réalité, à la sincérité et à l’absence de détournement de l’adoption simple et, au surplus, lorsque l’enfant adopté simple est mineur, porte atteinte à l’intérêt de l’enfant, aux droits de l’enfant et par là-même aux droits et libertés que la Constitution garantit ».

 Mais, pour la Cour d’appel de Paris, la question ne présente pas le caractère sérieux requis pour sa transmission à la Cour de cassation.

« La différence de traitement entre l’adoption simple et l’adoption plénière est justifiée, […], par le fait que l’adoption simple, possible quel que soit l’âge de l’adopté, ne remet pas en cause le lien de l’adopté avec sa famille d’origine ; qu’en outre cette différence de traitement n’est pas générale dès lors qu’elle est écartée dans les hypothèses prévues par le deuxième alinéa de l’article 786 CGI, et notamment lorsque, l’adopté a reçu de l’adoptant, soit durant sa minorité pendant cinq ans au moins, soit durant sa minorité et sa majorité pendant dix ans au moins, des secours et des soins non interrompus ; que les secours et soins ainsi visés constituent des éléments objectifs, dont la preuve n’est pas impossible, et qui témoignent de liens répondant aux objectifs premiers de l’adoption, à savoir la consécration d’un rapport d’attachement mutuel entre adoptant et adopté et la protection de l’enfant en particulier lorsqu’il est mineur ;

Que le demandeur n’est pas fondé à soutenir que la question de la conformité de l’article 786 CGI au principe d’égalité présente un caractère sérieux ;

Considérant, par ailleurs, que le demandeur ne précise pas en quoi le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement », serait méconnu par les dispositions de l’article 786 CGI, étant rappelé que l’adopté simple bénéficie de droits héréditaires non seulement à l’égard de l’adoptant, mais encore à l’égard de sa famille d’origine ;

Considérant, enfin, s’agissant de la méconnaissance par l’article 786 CGI du droit de propriété, invoquée sans plus de précision, que tout prélèvement obligatoire constitue une atteinte au droit de propriété et que les développements qui précèdent montrent que l’atteinte au droit de propriété résultant des dispositions du texte en cause n’est ni exagérée, ni injustifiée compte tenu des dérogations prévues par ce texte et compte tenu de la nécessité de dissuader le détournement de l’adoption simple qui pourrait résulter de l’admission généralisée d’un avantage fiscal lié à cette forme d’adoption »

En conclusion, le combat doit se poursuivre.

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