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Gestation pour autrui : du concret devant le Conseil d’Etat quelques semaines seulement après les décisions de la Cour de cassation !

06/05/2011

On l’a bien compris. Il est absolument impossible désormais d’obtenir la transcription sur les registres de l’état civil français d’un acte de naissance d’un enfant né d’une gestation pour autrui. Soit… La Cour de cassation, le 6 avril 2011, ne s’est pas vraiment attardée sur les problèmes pratiques qui allaient s’en suivre pour les intéressés et s’est bornée à affirmer que sa position ne privait pas les enfants de la filiation maternelle et paternelle reconnue par le droit étranger ni ne les empêchait de vivre avec leurs parents en France (n° 10-19.053, 09-66.486 et 09-17.130).

Moins d’un mois plus tard, il apparaît que la réalité est bien plus complexe, comme nous le démontre une décision du Conseil d’État du 4 mai 2011 (n° 348778).

Le 26 avril dernier, le ministre a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’annuler une ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon lui avait enjoint de faire bénéficier deux petites jumelles indiennes d’un document de voyage leur permettant d’entrer sur le territoire national dans les meilleurs délais et de le délivrer à la personne ressortissante française habilitée à les accompagner, le père en l’occurrence. Motifs : les deux fillettes étant vraisemblablement nées d’une mère porteuse, la transcription de leur acte de naissance indien sur les registres de l’état civil français leur avait été refusé, d’où l’opposition du ministre à leur entrée sur le territoire français ! Peut-on encore raisonnablement soutenir que les décisions de la Cour seront sans incidence sur le quotidien de ces enfants ?

Le Conseil d’État, fort heureusement, ne s’est nullement laissé impressionner. Il relève, d’abord, qu’« il y a lieu de tenir pour établi que les jeunes Swava Bella et Kalithoa Rose sont les filles de M. A, qui les a reconnues, ainsi que le mentionne leur acte d’état civil indien et que le confirme un test ADN auquel l’intéressé a fait procéder, à la suite de la décision du procureur de la République. Il souligne ensuite que la mère indienne a entendu déléguer au père son autorité parentale et exprimer sa volonté qu’elles soient élevées par leur lui en France, si bien qu’il apparaît que le père comme la mère biologiques entendent que leurs filles soient élevées en France par leur père. Il affirme enfin que « la circonstance que la conception de ces enfants par M. A et Mme C aurait pour origine un contrat entaché de nullité au regard de l’ordre public français serait, à la supposer établie, sans incidence sur l’obligation, faite à l’administration par les stipulations de l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant, d’accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, ainsi que l’a jugé à bon droit le juge de première instance ». On en revient à l’essentiel : l’enfant ! Il n’est pas question pour le Conseil d’Etat d’empiéter sur les compétences du juge judiciaire et de trancher, par exemple, une éventuelle contestation portant sur le droit de ces enfants à bénéficier des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel « est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français ». Mais dès lors que le juge des référés, qui « n’a pas enjoint à l’administration de délivrer un passeport aux enfants en cause, mais seulement un document de voyage leur permettant d’entrer sur le territoire national  […] – s’est ainsi borné à prendre une mesure provisoire, conformément à son office, sans empiéter sur les compétences réservées par la loi à l’autorité judiciaire », l’intérêt des enfants commandait qu’un tel document leur soit effectivement délivré… sans résistance…

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